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Délai d’action en garantie des vices cachés : la Cour de cassation consolide les droits des acheteurs au prix d’un risque accru de recours pour les vendeurs

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Au cœur de l'été, par plusieurs arrêts du 21 juillet 2023 (n° 21-15.809, 21-17.789, 21-19.936, 20-10.763), la Chambre mixte de la Cour de cassation est venue trancher une question à tout le moins technique, mais d'une portée pratique considérable en matière de droit de la vente, à savoir les modalités d'application dans le temps de la garantie des vices cachés.


Pour rappel, le régime de la garantie des vices cachés est défini dans le code civil français aux articles 1641 à 1649 du Code civil, aux termes duquel le vendeur (professionnel ou non) est tenu de garantir au vendeur les défauts cachés de la chose vendue qui alternativement, la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou alors qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

 

L'article 1648 du code civil, prévoit que l'action exercée sur le fondement des vices cachés (en restitution totale ou partielle du prix, et/ou en dommages et intérêts) doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

 

Par 4 arrêts du 21 juillet 2023, la Cour de cassation est venue :

 

  • D'une part clarifier la durée du délai butoir dans lequel est enfermée l'action en garantie des vices cachés (i) ;
  • D'autre part, préciser la nature et donc le régime du délai de 2 ans visé à l'article 1648 du code civil (ii).

 

Comme il le sera détaillé ci-après, ces clarifications vont toutes dans le sens d'un renforcement du droit des acheteurs.

 

1.      La consécration d'un délai butoir pour agir sur le fondement des vices cachés d'une durée de 20 ans à compter de la vente


Le code civil français étant muet sur ce point, c'est la jurisprudence qui a dû trancher la question de savoir si le délai pour agir sur le fondement de la garantie des vices cachés (2 ans à compter de la découverte du vice) était encadré par un autre délai butoir, résultat notamment du droit de la prescription, pour éviter d'aboutir in fine à une potentielle imprescriptibilité de l'action.

Si le principe d'un délai butoir s'est imposé, une divergence de jurisprudence importante a cependant émergé entre les différentes chambres de la Cour de cassation concernant la durée de ce délai :

  • Ainsi la 1ère chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de Cassation avaient retenu le délai de droit commun de prescription de 5 ans pour encadrer l'action en garantie des vices cachés (Cass., civ. 1ère, 6 juin 2018, n° 17-17.438 ; Cass., com., 16 janvier 2019, n° 17-21.477) ;
  • De son côté, la 3e Chambre civile de la Cour de cassation retenait quant à elle un délai butoir de 20 ans à compter de la vente, sur le fondement de l'article 2232 du Code civil, en application duquel, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit (Cass., civ. 3e, 1 octobre 2020, n° 19-16.986).

    Cette divergence a été désormais tranchée par la Chambre mixte de la Cour de cassation. Cette dernière, en se ralliant à la position de la 3e Chambre civile et en constatant qu'il n'y avait plus lieu de distinguer en la matière entre les actions intentées sur ce fondement entre commerçants ou entre non-professionnels et commerçants, a jugé que le délai butoir pour agir sur le fondement des vices cachés était désormais de 20 ans à compter de la vente.

    Au-delà d'une simple question de lisibilité, l'uniformisation du régime par un délai butoir unique était sans conteste devenue nécessaire pour permettre, dans les chaines de contrats, au professionnel assigné de pouvoir valablement engager une action récursoire contre le responsable final du vice.

    La Cour de cassation a par ailleurs justifié sa position, par communiqué de presse, en indiquant qu'il s'agissait par-là de renforcer la protection des droits des consommateurs pour les cas de découverte tardive d'un vice caché, tout en maintenant une sécurité juridique pour les acteurs économiques en leur évitant un risque indéfini dans le temps de responsabilité.

    En dépit de ce communiqué de presse vantant une solution équilibrée entre les droits des consommateurs et les intérêts de la vie des affaires, force est de constater que cette jurisprudence est très protectrice des consommateurs français par rapport notamment à leurs voisins allemands, où le délai d'action est de seulement de 2 années à compter de la vente.

    En tout état de cause, cette jurisprudence redonne une attractivité majeure à la garantie des vices cachés, qui pour rappel, est une action ouverte tant aux professionnels qu'aux consommateurs, à l'inverse de la garantie légale de conformité ouverte aux seuls consommateurs.

2.      La qualification du délai de 2 ans de l'article 1648 du code civil en délai de prescription

 

Jusqu'aux arrêts de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 21 juillet 2023, la qualification du délai biennal pour agir sur le fondement des vices cachés (article 1648 du code civil) faisait également débat en jurisprudence.


Ce délai était tantôt qualifié par la 3e chambre civile de la Cour de cassation de délai de forclusion (Cass., civ. 3e, 10 novembre 2016, n°15-24.289 ; Cass., civ. 3e, 5 janvier 2022, n° 20-22.670), tandis que la 1ère Chambre civile le qualifiait de délai de prescription (Cass., civ. 1ère, 25 novembre 2020, n° 19-10.824 ; Cass., civ. 1ère, 20 octobre 2021, n° 20-15.070).


L'enjeu de cette qualification est particulièrement important dès lors qu'un délai de forclusion ne peut être interrompu, par exemple par une assignation en référé avant tout procès tendant à la nomination d'un expert (article 145 du code de procédure civile) ou suspendu.


La solution inverse vaut en matière de délai de prescription. En cas d'assignation en nomination d'expert, le délai de prescription est interrompu pendant la durée de l'instance, c'est-à-dire jusqu'à l'ordonnance de référé nommant un expert (faisant ainsi courir un nouveau délai de 2 ans en application de l'article 2239 du code civil), puis suspendu, pendant la durée de l'expertise.


Le débat est désormais tranché, la Chambre mixte ayant clairement jugé que le délai de l'article 1648 du code civil est un délai de prescription, susceptible d'interruption et de suspension. Cette décision est selon elle conforme à l'objectif du législateur de permettre à tout acheteur, professionnel ou non, de pouvoir effectivement exercer la garantie des vices cachés.


On le voit à nouveau, il s'agit là d'un renforcement des droits des acheteurs – et notamment des consommateurs – au prix d'une exposition accrue des vendeurs au risque de recours.


Il reste à voir dans les faits si pareil renforcement aura un impact sur l'attractivité de la France, notamment pour les distributeurs étrangers, lesquels peuvent bénéficier de cieux plus cléments au sein d'autres Etats de l'Union Européenne.

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