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Employeurs : êtes-vous bien sûrs d'être titulaires des droits de créations de vos salariés et dirigeants ?

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Comment l'entreprise doit-elle s'assurer de sa titularité sur les créations et les inventions de ses salariés, mais aussi de ses dirigeants non-salariés ? Les règles légales sont généralement protectrices des auteurs, et donc des personnes physiques, tandis que l'attribution automatique des droits à l'employeur a plutôt un caractère d'exception. Il appartient donc aux entreprises d'organiser contractuellement les cessions nécessaires, au prix du formalisme rigoureux requis par le code de la propriété intellectuelle. Mais plusieurs décisions récentes mais encore isolées, viennent proposer un peu de pragmatisme dans ce domaine, quitte à choquer les spécialistes du sujet.


La titularité de l'employeur sur les créations et inventions de salariés est un sujet redondant en droit français. Il s'étend d'ailleurs aux mandataires sociaux, dont les accords et pactes avec l'entreprise prévoient aussi, souvent et de manière lapidaire, une cession de droits simplifiée au profit de cette dernière.


Beaucoup de PME s'imaginent encore que l'entreprise devient automatiquement, ou en tout cas assez facilement, propriétaire des productions intellectuelles de leurs salariés ou dirigeants, réalisées dans le cadre de leur fonction, sans qu'il soit besoin d'ajouter un accord écrit ou de prévoir une rémunération complémentaire. Tel n'est bien sûr pas le cas, mais la législation (le code de la propriété intellectuelle) n'est pas toujours très claire à ce sujet, et est à tout le moins mal connue.


En outre, les entreprises se raccrochent, de bonne foi, souvent aux dispositions négociées et anticipées des conventions collectives, notamment en matière de rémunération sur la cession d'inventions (brevet) ou de créations (droit d'auteur). Il convient d'être prudent, car certaines de ces dispositions sont parfois caduques ou trop générales, voire parfois même contraires aux textes légaux.


Au vu de la complexité toute française des règles légales applicables à cette question de la titularité des droits de propriété intellectuelle, mais surtout au vu de récentes décisions judiciaires surprenantes, il est utile de faire le point, pour les entreprises, sur les mesures et précautions à prendre afin de s'assurer de la remontée de ces droits vers la personne morale.


Il convient alors de distinguer deux situations. La première touche les CREATIONS (œuvres intellectuelles matérialisées) protégées principalement par le droit d'auteur (textes, graphismes, œuvres, logiciels…). Mal réglementée, cette situation est l'objet principal des louvoiements jurisprudentiels actuels. La seconde concerne les INVENTIONS (réalisations techniques et industrielles innovantes, susceptibles de faire l'objet d'une protection par brevet ou par le secret).


Rappelons rapidement les règles applicables aux inventions, qui ne sont, elles, pas bousculées par les décisions récentes examinées dans cet article.


I. Les inventions


Rappelons qu'une invention, création technique potentiellement industrialisable, n'est pas protégée par le droit des brevets, mais uniquement par les règles légales ou clauses contractuelles relatives à sa confidentialité nécessaire, son caractère secret, sa sécurité, voire sa protection par un droit d'auteur.  En matière d'inventions de salariés, le Code de la propriété intellectuelle (« CPI ») impose à ces derniers quelques obligations de secret et d'information envers leur employeur, précisément afin de sécuriser la période d'analyse de l'invention, de sa titularité et de son éventuelle brevetabilité. Ce n'est que si l'invention s'avère brevetable et qu'une demande de brevet est ensuite déposée que sa protection sera alors régie par le droit des brevets.


Qu'il s'agisse de salariés ou de tiers sous contrat, il est donc de l'intérêt évident de l'entreprise (et plus généralement à toute entreprise mandatant des chercheurs) d'organiser convenablement cette protection très en amont de toute éventuelle demande de brevet, par des procédures et accords précis.


La titularité des inventions et par ricochet le 'droit' à déposer un éventuel brevet sur une invention, sont principalement régis par le CPI même, et de manière assez précise, contrairement à la titularité sur les créations.


Sans entrer dans le détail, le principe est le suivant :

  • Si l'invention résulte du travail confié par l'employeur à un salarié (contrat de travail ou lettre de mission, par exemple), l'invention et le droit au brevet appartiennent à l'employeur, qui doit alors un complément de salaire au salarié ;
  • Si ce n'est pas le cas, mais que l'invention n'aurait pas été possible que l'utilisation, par le salarié, des moyens mis à disposition par l'entreprise ou des connaissances acquises dans l'entreprise, l'employeur n'a qu'un droit d'attribution prioritaire sur l'invention, à négocier avec le salarié contre un « juste prix », plus favorable à l'employeur qu'un prix de marché plus librement négociable ;
  • Dans les autres cas, l'employeur n'a aucun droit particulier, et est libre de proposer ou non à son salarié de lui racheter l'invention et le droit au brevet, à un prix librement négociable.

Il appartient donc à l'employeur, si besoin, de rappeler ces règles dans les contrats de travail salariés. Par contre, s'agissant de non-salariés, mandataires sociaux par exemple, ces dispositions favorables ne s'appliquent pas et l'entreprise doit donc négocier avec ceux-ci les conditions d'une cession rémunérée et, en amont, les obligations de secret et de confidentialité nécessaires.

 


II.  Les créations protégées par le droit d'auteur


Le principe est clair : les droits d'auteur éventuellement attachés à une création appartiennent à l'auteur, personne physique. En particulier, les droits sur les créations de salariés restent donc la propriété de ces derniers, sauf pour l'employeur à aménager scrupuleusement, par écrit et par contrat, la cession des droits à son profit, assortie d'une rémunération adéquate, distincte du salaire.


Mais ce principe connaît de nombreuses exceptions, qui octroient cette propriété, directement ou presque, à l'employeur :


  1. Les logiciels réalisés par des salariés : 

Les développements logiciels réalisés par le ou les salarié(s) dans l'exercice de leur fonction appartiennent à l'employeur, sans rémunération supplémentaire. Cela simplifie beaucoup la problématique dans les entreprises du secteur informatique et digital.


2. Les œuvres collectives :

Lorsque l'employeur (i) prend l'initiative de confier à plusieurs personnes (salariées ou non) un projet qu'il édite, publie et diffuse ensuite sous son nom, et (ii) que les contributions intellectuelles diverses de ces personnes, potentiellement générées dans le cadre du projet, se fondent dans un résultat unique (un produit, une brochure, un ouvrage…), (iii) sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun un droit ou mérite individuel spécifique au sein de cette création résultante, les droits d'auteur sur cette œuvre commune remontent automatiquement à l'employeur. Par exception au principe de l'auteur-personne physique, l'employeur est alors même considéré comme auteur de l'œuvre. 


Au vu de ce cumul de critères complexes, il n'est pas toujours aisé de qualifier une œuvre réalisée à plusieurs d'œuvre collective. On pourra citer, à titre d'exemple, les journaux, les slogans publicitaires créés par une agence, les guides touristiques, voire parfois certains logiciels (ces derniers étant pourtant plus habituellement considérés comme des « œuvres de collaboration », puisque chaque contributeur a généralement un rôle individuel distinct (codeur, graphiste, concepteur graphique, scénariste…). Mais plus généralement, lorsqu'une société ou employeur confie à une équipe de créatifs un tel travail commun, elle devra alors réfléchir à l'opportunité de qualifier expressément ce projet d'œuvre collective par anticipation dans le contrat ou la lettre de mission, à condition de réunir les critères susvisés.


Cette qualification en amont, dans le contrat de travail ou même dans un pacte d'associé, est de plus en plus fréquente, par commodité, mais elle ne résiste pas toujours à l'examen de la réalité du projet commun.

 

L'œuvre collective simplifie néanmoins la gestion, par l'employeur, d'une création de valeur, puisqu'il n'a pas à se soucier de cession écrite de droits auprès des personnes de l'équipe.


3. Les articles de journalistes

 

4. Les créations de fonctionnaires (sans rémunération complémentaires)



Ainsi, sauf ces exceptions, si l'employeur souhaite s'assurer la propriété des droits d'auteur sur les créations importantes d'un ou plusieurs salariés, il ne peut se contenter d'affirmer, dans un contrat de travail ou tout autre document, qu'il serait le propriétaire des droits, mais doit aménager, par écrit, une cession des droits du salarié vers l'entreprise.


Hormis ces exceptions, le principe reste la nécessité d'organiser la cession écrite et rigoureuse des droits vers l'employeur, vers l'entreprise.


 

III. Créations de salariés : tout n'est donc pas si simple

 

1. Complexité et pratique des cessions de droit d'auteur


En effet, c'est dans l'anticipation, l'organisation et la rédaction des cessions de droit que les choses peuvent se compliquer.


Précisons tout d'abord que nous ne parlons ici que de cessions entre une personne physique (un salarié, un dirigeant, un artiste, par exemple), auteur premier de la création, et un employeur, et non des cessions ultérieures pouvant intervenir de cessionnaire à cessionnaire, où l'auteur n'intervient plus.


Conformément aux articles L.131-2 et L.131-3 du CPI :


  • L'acte ou la clause de cession doit être écrit(e) ;
  • La clause de cession requiert un formalisme exigeant, délimitant clairement l'étendue de la cession, qu'elle soit intégrale ou partielle (types d'usages autorisés, durée, étendue géographique de la cession…)
  • La cession doit être rémunérée, y compris entre salariés et employeur, ladite rémunération étant en principe, donc sauf exceptions, proportionnelle à l'exploitation de la création cédée.
  • On précise que, historiquement, un premier alinéa de l'article L.131-2 semble faire un cas particulier de quatre types de contrats à vocation typiquement créative : « Les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution ».


D'ores et déjà, ces exigences de formalisme ne sont pas toujours respectées en pratique, ce qui génère de nombreux contentieux.


Un autre principe légal (article L.131-1 CPI) soulève également de nombreuses difficultés : l'interdiction de prévoir, par avance et de manière générale, la cession globale de toutes les créations qu'une personne (par exemple un salarié) serait amenée à faire pendant la durée de son contrat (par exemple un contrat de travail). En effet, on ne peut transférer la propriété que d'un bien (ici incorporel) identifié ou identifiable. Ainsi, une simple clause d'un contrat de travail, indiquant «  M. X cède à la société Y l'intégralité de ses droits d'auteur sur ses éventuelles création au cours de ses fonctions, pour le monde entier », ne suffit pas et n'est pas valide.


Or, bien que ce principe soit assez connu, de nombreux contrats de travail contiennent encore des clauses de cession globale anticipée, donc nulles et donc généralement annulées par les tribunaux.


Cet oubli des différentes règles susvisées, pourtant impératives, se retrouve également, au sein de l'entreprise, dans les accords entre dirigeants non salariés (associés, mandataires sociaux, fondateurs…) d'une part, et la société d'autre part, lesdits accords prévoyant souvent une propriété « automatique » des éventuelles créations ou inventions, ou a minima une cession lapidaire, contraire au formalisme requis par le CPI.


Certes, la règle de la présomption de titularité au profit de l'exploitant effectif de la création, peuvent généralement bénéficier à l'entreprise (en l'occurrence l'employeur), mais il s'agit d'une solution palliative qui présente certaines fragilités, surtout lorsque l'auteur – salarié ou dirigeant par exemple - se prend de revendiquer des droits, et donc de faire tomber la présomption, au motif qu'aucune cession régulière n'est intervenue.


En pratique, compte tenu de ce niveau d'exigence formelle du CPI, mais également de la rédaction évolutive des articles susvisés, un certain flou s'est installé, au fil du temps, sur le niveau d'écrit et surtout de formalisme exigé pour toute cession de droits d'auteur entre un auteur (en particulier salarié ou dirigeant non salarié) et son entreprise.


Dans les contrats de travail, pour pallier la nullité des clauses de cession globale anticipée, plusieurs solutions pragmatique sont apparues dans la pratique, et notamment :


  • qualifier le plus possible (sous réserve de contestation) les œuvres réalisés par des groupes de salariés d'œuvres « collectives », afin d'assurer à l'employeur une titularité immédiate et automatique des droits d'auteur. Mais cela ne résiste pas toujours à l'analyse des critères précis de l'œuvre collective ;
  • compléter le contrat de travail par des accords confirmatifs ultérieurs, tel un acte de cession identifiant clairement telle ou telle création à céder, ou encore une lettre de mission rendant identifiable la création à réaliser au terme d'un projet donné. On rappellera aussi que, comme tout acte de cession de propriété, il faut aussi prévoir une rémunération spécifique, décorrélée du salaire ou du prix de la prestation commandée, dont le calcul doit respecter certaines règles. Ce dernier point est d'ailleurs parfois opportunément oublié et peut donner lieu à contentieux.
  • Agrémenter la clause de cession globale du contrat de travail de formules parfois tolérées, du type « le salarié cède, au fur et à mesure de ses créations, ses droits d'auteur à la société X… »., afin de donner un semblant d'identification aux créations non encore matérialisées. Toutefois, il s'agissait ici d'une tolérance officieuse et la jurisprudence avait fini par condamner cette pratique pragmatique, mais peu conforme aux principes, surtout en l'absence d'acte de cession confirmatif.


Enfin, un débat avait vu le jour – pour résumer – sur la nécessité d'un formalisme détaillé de la clause de cession, suivant les règles contraignantes du CPI. Certains auteurs et juridictions affirmaient, au vu d'une rédaction un peu flou des articles L.131-2 et L.131-3 du CPI, que ce formalisme ne s'appliquait qu'aux quatre types très spécifiques de contrats spéciaux limitativement énumérés par le premier de ces articles.

 

2. Un nouveau flou jeté par la jurisprudence récente


Plusieurs décisions de justice intéressantes sont venues jeter un flou supplémentaire sur les règles applicables, notamment pour les dirigeants non salariés.


  • Décision de la Cour d'Appel de Montpellier, 18 oct. 2022[1]

Les faits concernent une start-up dont l'activité consiste à développer des logiciels métiers pour architectes et professionnels du BTP (donc une activité liée à de la création logicielle et autres créations intellectuelles protégées par le droit d'auteur).


Aux termes d'un pacte d'actionnaire concernant le directeur général, il était indiqué, en résumé, que l'ensemble des inventions et créations éventuellement réalisées par ledit actionnaire, étaient la propriété de la société. On rappellera que, ledit actionnaire n'étant pas salarié, l'attribution automatique des droits d'auteur sur les codes-source à l'employeur ne s'appliquait pas. Par conséquent, (i) faute d'avoir utilisé le formalisme légal requis, en particulier pour des non-salariés, et (ii) s'agissant a fortiori d'une cession globale d'œuvres futures, cette cession était donc a priori nulle à double titre.


Pourtant, la Cour d'appel, revenant à une jurisprudence ancienne et généralement abandonnée, a estimé que le formalisme requis par l'article L.131-3 du CPI ne s'appliquait bien qu'aux seuls quatre types de contrats spécifiques expressément cités par l'article L.131-2. Par conséquent, la cession était valable même en l'absence du formalisme habituel.


La Cour ravive ici un débat tendu à propos des cessions auteurs/cessionnaire : le formalisme détaillé, qui oblige en général à faire rédiger ces clauses longues par des juristes spécialisés, est-il d'application générale ou limité à ces seuls contrats typiquement créatifs ? Il était pourtant assez unanimement convenu que, pour la protection de l'auteur précisément, la cession devait respecter ce formalisme, afin que les parties indiquent très clairement l'étendue des droits que l'auteur entend céder ou concéder (quels usages, où, combien de temps, contrepartie financière corrélée…) et celle qu'il entend se réserver.


Mais encore, plus surprenant, la Cour semble appliquer ce même raisonnement à l'article L.131-1 du CPI, à savoir l'interdiction de la cession globale d'œuvres futures. De fait, la Cour ne semble pas gênée par cet accord prévoyant pourtant une telle cession, et la valide donc, notamment au motif que, à nouveau, la nullité des cessions globales anticipées ne s'appliquerait qu'aux seuls quatre types de contrats particuliers visés à l'article suivant.

Surprenant…


  • Cour d'Appel de Paris, 25 janvier 2023[2].

En l'espèce, une créatrice de mode avait co-fondé une société de haute couture pour proposer des collections.


La créatrice était également salariée, en tant que styliste puis en tant que directrice exécutive. Son contrat de travail contenait une clause simple, non détaillée, de cession à la société des droits sur l'ensemble de ses créations à venir au cours de son contrat, sans la rémunération supplémentaire habituellement exigée en plus du salaire. La clause se contentait de préciser que la cession interviendrait « au fur et à mesure de leur création », utilisant donc cette formule pragmatique fréquente et tolérée.


La créatrice avait fini par réclamer une rémunération complémentaire à son salaire, au motif que la cession globale anticipée contenue dans son contrat était classiquement nulle et qu'elle était donc restée titulaire des droits d'auteur sur ses créations.


La Cour, de manière surprenante, a jugé que ce type de situation, concernant une salariée dont la fonction était par essence créative, ne relevait pas de l'interdiction des cessions globales anticipées, puisque les œuvres attendues étaient donc a minima déterminables, « au fur et à mesure » de leur réalisation, même en l'absence d'acte de cession confirmatif.


La mention « au fur et à mesure de leur création », expressément rajoutée dans la clause du contrat, semble avoir joué un rôle important pour convaincre la Cour de ne pas faire tomber ce type de contrat avec un artiste sous le principe d'interdiction.


On est donc particulièrement surpris par cette décision, qui apporte des nuances inédites, voire critiquables, au principe d'interdiction des cessions globales anticipées.


Accessoirement, concernant la rémunération additionnelle, la Cour a estimé, de manière tout autant surprenante, que le salaire forfaitaire versé à la créatrice-salariée pouvait être considéré comme constitué en partie par la rémunération spécifique des cessions de droit, compte tenu de l'essence créative même de la fonction de la salariée. Cette solution est également étonnante, voire choquante, au regard des principes de distinction entre la rémunération de la prestation de création (ou du travail) et celle de la cession des droits intellectuels.


On rappellera en souriant une formule un peu cynique parfois utilisée pour ce type de problématique, en France : En France, on est payé pour chercher, pas pour trouver…Donc, si le chercheur ou le créatif trouve, il faut lui attribuer une rémunération supplémentaire, distincte de celle versée pour son travail.


Même si elles sont teintées d'efficacité et de pragmatisme économiques, ces décisions récentes bousculent donc le consensus pragmatique atteint ces dernières années, aux termes d'une jurisprudence convergente qui avait établi un certain équilibre entre la protection des droits des salariés et autres acteurs de l'entreprise et celle des droits de l'entreprise.


Elles reflètent le débat qui existe entre, d'un côté, une défense assez conservatrice des intérêts des auteurs, qui exige un formalisme assez généralisé et des accords clairs sur l'étendue d'une cession, et une défense plus libérale et réaliste, qui tend à limiter l'exigence de formalisme pour se contenter d'un écrit plus synthétique, au moins dans les cas les plus évidents.


Certes, le formalisme exigé par le CPI semble souvent un peu lourd pour certains transferts de droits d'un auteur, personne physique salariée, mandataire social ou autre, à l'entreprise pour laquelle il travaille, en particulier lorsque le bon sens commande une attribution logique des fruits de ce travail à l'entreprise, notamment pour des personnes ayant des fonctions créatives ou des mandataires sociaux supposés privilégier les intérêts de celles-ci.


Mais une simplification, au bénéfice de l'équilibre des intérêts des deux parties, ne peut passer par une interprétation biaisée des textes clairs du CPI, mais plutôt par une évolution législative. On peut espérer que la Cour de Cassation aura l'occasion de clarifier à nouveau ces règles, en suivant ou non les Cours d'Appel, dans l'attente d'une évolution des textes, pourtant déjà tentée.


En conclusion, nous invitons les entreprises à rester très pratiques et très prudentes à l'égard de ces récentes décisions de justice, plutôt isolées, qui ne devraient pas faire jurisprudence sans intervention législative ou de notre Cour Suprême ou sans réforme du CPI. Elles doivent continuer à être extrêmement attentives à l'organisation du transfert des droits de leurs salariés ou mandataires sociaux vers la société. Tout d'abord, sauf exceptions, en prévoyant un accord écrit clair (ce qui est trop souvent omis), mais surtout en respectant le formalisme précis et détaillé requis pour ce type de clause de cession. Et enfin, en étant extrêmement prudentes avec les clauses de cession anticipée dans les contrats de travail, et donc en continuant à formaliser de vraies cessions écrites au fur et à mesure de la réalisation d'œuvres de valeur.


Trop de contentieux apparaissent, entre salariés et employeurs notamment, entre mandataires sociaux et entreprise, tendant à remettre en cause la propriété de la société sur telle ou telle œuvre (un ouvrage, un dessin, un logo, un slogan, un design, un prototype…), au motif que les choses n'auraient pas été correctement anticipées par l'employeur, en amont, que ce soit en termes de cession ou en termes de rémunération.


Rödl & Partner Avocats est la disposition des entreprises et des auteurs pour gérer leurs enjeux de propriété intellectuelle.


[1] RG n° 20/04452

[2] RG n°19/15256

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Frédéric Bourguet

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