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La prise en compte des sanctions de l’UE contre la Russie: un enjeu de compliance pour les entreprises (1/2)

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​​​​​​Cet article, à jour du dernier paquet de sanctions, vise à récapituler les principales mesures adoptées par l'UE, en réaction à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Cette synthèse est utile pour permettre aux entreprises d'adapter leurs programmes en matière de sanctions-embargos, évolutifs par nature.​


​Depuis l'annexion de la Crimée en 2014, l'Union a adopté une série de mesures restrictives (ou sanctions) à l​'encontre de la Russie, qui comprennent notamment des restrictions commerciales, des interdictions d'exportation de technologies sensibles, des gels d'avoirs financiers, ainsi que des restrictions d'accès au marché financier européen pour certaines entreprises russes.​Ces mesures visent à exercer une pression économique sur la Russie, ainsi qu'à affaiblir son industrie militaire, pour la forcer à respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine et à trouver une solution diplomatique à la guerre.

La connaissance et l'analyse de ces sanctions par les entreprises au regard de leurs activités sont d'autant plus importantes pour éviter les risques de répercussions ou d'allégations médiatiques qui peuvent impacter leur réputation ou leur cours de bourse, comme en témoigne la récente mise en cause de la société Technip pour son implication dans le projet Arctic LNG. Si ces mesures concernent principalement les entreprises conservant des relations commerciales avec la Russie, elles peuvent également affecter des entreprises qui contractent avec des personnes physiques ou morales contrôlées directement ou indirectement par des capitaux russes ou qui mettent en place des mesures de contournement des sanctions.


1. Présentati​on des principales sanctions adoptées par l'Union

Dès 2014, l'UE avait déjà adopté des sanctions contre la Russie à la suite de l'annexion de la Crimée et de l'absence de mise en œuvre des Accords de Minsk, signés le 5 septembre 2014.

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, l'UE a adopté progressivement de nouvelles sanctions contre la Russie. Onze « trains » de sanctions ont ainsi été adoptés jusqu'au 23 juin 2023, et un douzième est en préparation à la Commission.


Les principaux textes de référence, s'agissant des sanctions européennes contre la Russie, sont :

  • le règlement (UE) n° 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, qui prévoit un large éventail de mesures visant certains secteurs économiques et activités ;
  • le règlement (UE) n° 269/2014 du Conseil du 17 mars 2014 et la décision 2014/145/PESC du Conseil du 17 mars 2014 qui prévoient des mesures de gel des avoirs et des restrictions à l'entrée sur le territoire de l'UE contre des personnes physiques et morales désignées.

On peut également ajouter :

  • le règlement (CE) n° 765/2006 du Conseil du 18 mai 2006 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie et de l'implication de la Biélorussie dans l'agression russe contre l'Ukraine ;
  • le règlement (UE) 2022/263 du Conseil du 23 février 2022 qui prévoit des mesures restrictives relatives aux zones non contrôlées par le gouvernement ukrainien dans les oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporija.

 

Remarque : ces textes ont fait l'objet de modifications successives. Il est donc nécessaire de se référer à leurs versions consolidées qui sont régulièrement publiés par l'Union.
Enfin, le Conseil a adopté le 20 juillet 2023 des mesures restrictives en raison du soutien militaire de l'Iran à la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine (Règl. (UE) 2023/1529 du Conseil, 20 juill. 2023 : JOUE n° L 186, 26 juill.).

 

a) Les sanctions générales contenues dans le règlement (UE) n° 833/2014

Le règlement (UE) n° 833/2014 est le texte identifiant les sanctions sectorielles contre la Russie. Ce document énonce de très nombreuses mesures que doivent respecter les entreprises, dont la lecture et la compréhension ne sont pas aisées.


Des mesures aux objectifs variés

A la date de cet article, les sanctions prévues par ce texte consistent principalement dans les restrictions suivantes : ouvrir le pdf ici)

En outre, l'article 12 du règlement interdit « de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet de contourner » les interdictions énoncées dans le règlement.

Remarque : compte tenu de la complexité de ce système des sanctions, ainsi que des nombreuses exceptions prévues à chaque article, il convient de se référer au texte du règlement (UE) n° 833/2014 pour connaître le détail des mesures.


Des mesures difficiles à appréhender

Le règlement (UE) n° 833/2014 reste néanmoins difficile à mettre en œuvre. En effet, de nombreuses modifications et ajouts ont été apportés successivement au texte. Même si la publication de versions consolidées est une aide certaine à l'identification des sanctions, l'ajout de sanctions au fil du temps, en fonction de lacunes identifiées dans le régime préexistant, donne un côté « fourre-tout » au texte, dont on peine à identifier tant la cohérence d'ensemble que le champ d'application exact, notamment s'agissant des secteurs industriels faisant l'objet de restrictions à l'importation.


Cette absence de cohérence est également due à la nécessaire prise en compte par les instances européennes d'intérêts contradictoires ; par exemple, la volonté de l'UE de réduire les revenus du gouvernement russe provenant de la vente de gaz et de pétrole, tout en voulant sécuriser l'approvisionnement énergétique des États membres de l'UE, en particulier de ceux les plus dépendants de la Russie en ce domaine. Les intérêts particuliers de certains États membres ont aussi été pris en compte comme en témoigne l'exclusion du secteur des diamants jusqu'à maintenant (même si le douzième train de sanctions visera probablement ce secteur).

 

La plupart des sanctions prévoient des exceptions relativement détaillées à leur application. Ainsi, les interdictions visant l'exportation de biens et technologies sont en général assorties d'exceptions lorsque ces biens sont destinés à des fins humanitaires, médicales ou pharmaceutiques. Les restrictions à l'importation de pétrole connaissent également plusieurs exceptions, notamment pour les États membres de l'UE enclavés.

Les annexes au règlement (UE) n° 833/2014 listant les produits, biens ou technologies faisant l'objet de restrictions à l'importation sont d'une grande complexité de lecture. Elles rentrent dans un tel niveau de détail, quant aux caractéristiques techniques des produits visés, qu'il est parfois difficile, même pour les spécialistes des produits en question au sein des entreprises potentiellement concernées, de déterminer si certains de leurs produits sont ou non couverts par les sanctions.


L'ensemble de ces facteurs rend difficile l'analyse des obligations effectives pesant sur les ressortissants de l'UE tenus d'appliquer les sanctions. Il manque notamment un document d'application, type « lignes directrices », qui permettrait d'identifier de manière synthétique les textes applicables à chaque type de sanctions. Cette difficulté est reconnue implicitement par le règlement lui-même, dont l'article 10 prévoit que « les actions entreprises par des personnes physiques ou morales […] n'entrainent pour eux aucune responsabilité de quelque nature que ce soit, dès lors qu'ils ne savaient ni ne pouvaient raisonnablement soupçonner que leurs actions violeraient les mesures énoncées dans le présent règlement ». Cet article crée ainsi une certaine ambiguïté quant aux obligations pesant de manière effective sur les entreprises.​

b.    Les sanctions individuelles

S'ajoutent aux sanctions générales énoncées dans le règlement (UE) n° 833/2014, des sanctions individuelles qui visent des personnes et des entités responsables d'avoir soutenu, financé ou mis en œuvre des actions compromettant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine, ou qui tirent avantage de ces actions.


D'après le Conseil, ces sanctions visent actuellement 1 800 personnes et entités au total, dont Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov, son ministre des Affaires étrangères.

Remarque : une liste à jour des personnes physiques et morales faisant l'objet de mesures restrictives est accessible via le Registre national des gels de la Direction générale du Trésor (https://gels-avoirs.dgtresor.gouv.fr/).


Les sanctions visant des personnes consistent en une interdiction de voyager et en un gel des avoirs.  Les interdictions de voyager empêchent les personnes inscrites sur la liste figurant en annexe de la décision 2014/145/PESC du Conseil de pénétrer sur le territoire de l'UE ou de transiter par celui-ci, que ce soit par voie terrestre, aérienne ou maritime.


Les sanctions visant des entités consistent en un gel des avoirs. Cela signifie que tous les comptes appartenant aux entités inscrites sur la liste figurant en annexe du Règlement (UE) n° 269/2014 et de la décision 2014/145/PESC du Conseil précités, ouverts dans des banques de l'UE sont gelés. Il est également interdit de mettre à leur disposition, directement ou indirectement, des fonds ou des avoirs.


Ainsi, les personnes visées ne peuvent pas utiliser leurs comptes bancaires européens (ni celui d'une société qu'elles contrôlent) pour payer ou recevoir des paiements ; et tous les revenus issus d'un bien, mobilier ou immobilier, et reçus sur le compte sont gelés (perception de loyers, ventes interdites, etc.).


Remarque : au 12 octobre 2023, le Conseil indiquait que le montant des avoirs gelés dans l'UE s'élevait à 21,5 milliards d'euros (https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-russia-over-ukraine/sanctions-against-russia-explained/).


Dans ce cadre, les établissements bancaires européens, devant respecter une obligation de diligence, ne peuvent recevoir des fonds provenant d'une transaction effectuée par une personne ou entité soumise au gel des avoirs conformément aux sanctions établies par l'Union.

Depuis le dixième paquet de sanctions adopté par l'UE le 25 février 2023 (JOUE n° L 59I), les personnes physiques et morales, les entités et les organismes résidants ou établis dans l'Union européenne ont l'obligation de :

  • communiquer à l'autorité compétente de leur État membre toutes les informations susceptibles de faciliter la mise en œuvre du Règlement (UE) n° 269/2014, telles que celles concernant les fonds et les ressources économiques se trouvant sur le territoire de l'Union et gelés (ou qui auraient dû l'être) conformément au Règlement   (UE) n° 833/2014 ;
  • coopérer avec l'autorité compétente aux fins de la vérification de ces informations, selon l'article 8 du règlement (UE) n° 269/2014.

Toutefois, les mesures de gel des avoirs ne sont pas, et ne peuvent entraîner à elles-seules, des mesures de confiscation de ces avoirs. Cela nécessite en effet une décision de justice, fondée sur des infractions pénales.

Remarque : en France, une telle infraction peut être caractérisée par la violation des sanctions elles-mêmes qui peut entraîner, outre des sanctions pénales, la confiscation des avoirs concernés, en vertu de l'article 459, § 1 bis du Code des douanes et des articles 131-39 et 131-21 du Code pénal.


c.    Les mesures relatives aux territoires ukrainiens non contrôlés

Le règlement (UE) 2022/263 du Conseil du 23 février 2022, tel que modifié par le règlement (UE) 2022/1903 du Conseil du 6 octobre 2022, prévoit certaines mesures restrictives en réaction à la reconnaissance, à l'occupation ou à l'annexion illégales par la Fédération de Russie de certaines zones d'Ukraine non contrôlées par le gouvernement ukrainien dans les oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporija (appelés les « Territoires désignés »).

Ces mesures restrictives sont des interdictions de :

  • importer dans l'Union des marchandises originaires des Territoires désignés ;
  • investir dans des biens immobiliers ou dans des entités dans les Territoires désignés ;
  • vendre, fournir, transférer ou exporter dans les Territoires désignés les biens et les technologies énumérés à l'annexe II du Règlement. Ces biens et technologies peuvent être utilisés dans les secteurs clés suivants : transports, télécommunications, énergie, prospection, exploration et production pétrolières, gazières et minières ;
  • fournir des services directement liés à des activités touristiques dans les Territoires désignés.
Remarque : une carte mise à jour régulièrement, faisant apparaître les Territoires désignés, est disponible sur le site du Ministère des Armées (https://www.defense.gouv.fr/ukraine-point-situation).

 

d.    Les sanctions prises à l'encontre de la Biélorussie

En raison de l'implication de la Biélorussie dans l'invasion militaire de l'Ukraine par la Russie, l'UE a adopté, depuis 2022, une série de mesures qui comprennent :

  • l'interdiction de certaines exportations, notamment :
  •  de biens et technologies à double usage vers la Biélorussie ou destinés à être utilisés en Biélorussie,
  • de biens et de technologies susceptibles de contribuer au développement militaire, technologique, de défense et de sécurité de la Biélorussie,
  • de biens et équipements électroniques ou de télécommunication,
  • de biens et de technologies du secteur de l'aviation ou de l'industrie spatiale ;
  • l'interdiction de l'importation dans l'Union européenne de certains produits originaires de ou exportés depuis la Biélorussie ;
  • des sanctions individuelles visant des personnes ;
  • l'exclusion de cinq banques biélorusses du système SWIFT ;
  • l'interdiction d'effectuer des transactions avec la Banque centrale de Biélorussie ;
  • des limites aux entrées financières dans l'UE en provenance de Biélorussie ;
  • l'interdiction de fournir des billets de banque libellés en euros à la Biélorussie.

Ces restrictions se trouvent principalement dans le règlement (CE) n° 765/2006 du Conseil du 18 mai 2006 consolidé.


e.    Les sanctions prises à l'encontre l'Iran

Le 20 juillet 2023, le Conseil a adopté des mesures restrictives en raison du soutien militaire de l'Iran à la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine (Règl. (UE) 2023/1529 préc.).

Ce nouveau régime de sanctions interdit l'exportation de l'Union vers l'Iran de composants utilisés dans la construction et la production de drones (« véhicules aériens sans pilote » ou UAV). Par ailleurs, des personnes et entités iraniennes figurent sur la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives, au motif qu'elles compromettent ou menacent l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine, notamment du fait de leur implication dans le programme iranien d'UAV. Cette liste figure dans le règlement   (UE) 2023/1496 du Conseil du 20 juillet 2023.

 

Comme indiqué ci-dessus, ces mesures restrictives comprennent un gel des avoirs, avec l'interdiction pour les citoyens et entreprises de l'UE de mettre des fonds à disposition des personnes visées. Les personnes physiques sont, en outre, frappées d'une interdiction de voyager qui les empêche d'entrer sur le territoire de l'UE ou de transiter par celui‑ci.

 

2. Conclusion

S'il est difficile d'évaluer l'impact à long terme des sanctions sur la Russie, celle-ci semble avoir résisté mieux que prévu aux mesures prises jusqu'à maintenant par l'UE, tant du point de vue de son économie en général, que de sa capacité à mener la guerre.


Cet impact relatif peut s'expliquer notamment par le fait que les sanctions ne sont pas « globales » - elles ne sont appliquées que par certains pays - et que la Russie a trouvé des moyens de contourner ces sanctions et d'acquérir tout de même les biens et technologies lui permettant de continuer la guerre.


NDLR : dans un prochain article, on s'intéressera donc aux limites des sanctions actuelles, ainsi qu'aux réponses envisagées par l'UE pour renforcer l'efficacité des sanctions. 

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