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Contournements des sanctions contre la Russie : les réponses de l’Union européenne

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Depuis l'annexion de la Crimée en 2014, l'Union européenne (UE) a adopté une série de mesures restrictives (ou sanctions) à l'encontre de la Russie, qui comprennent notamment des restrictions commerciales, des interdictions d'exportation de technologies sensibles, des gels d'avoirs financiers, ainsi que des restrictions d'accès au marché financier européen pour certaines entreprises russes. Ces sanctions visent à exercer une pression économique sur la Russie, ainsi qu'à affaiblir son industrie militaire, pour la forcer à respecter l'intégrité territoriale de l'Ukraine et à trouver une solution diplomatique à la guerre.


S’il est difficile d’évaluer l’impact à long terme des sanctions sur la Russie, celle-ci semble avoir résisté mieux que prévu aux sanctions prises jusqu’à maintenant1, tant du point de vue de son économie en général que de sa capacité à mener la guerre.


Cet impact relatif des sanctions peut s’expliquer de plusieurs manières :

  • D’une part, le fait que les sanctions ne sont pas « globales » : elles ne visent pas tous le secteurs de l’économie et prévoient des exceptions, dans le secteur de l’énergie notamment, et elles ne sont appliquées que par certains pays ;
  • D’autre part, il peut être difficile de mettre en œuvre les mesures de gel des avoirs, et il n’existe pas de réponse pénale uniforme au sein de l’Union en cas de violation des sanctions ;
  • Enfin, que la Russie et des pays « complices » ont trouvé le moyen de contourner les sanctions et de livrer à la Russie des biens prohibés, notamment dans le secteur des biens à double usage ou autres équipements susceptibles de contribuer au renforcement militaire et technologique de la Russie ou au développement du secteur de la défense et de la sécurité.

De fait, l'Union européenne comme les Etats-Unis ont depuis quelques mois pris conscience des limites des sanctions et cherchent à adapter leurs dispositifs.


Ainsi, les dizième et onzième trains de sanctions européennes contre la Russie, adoptés en février puis en juin 2023, prévoient un certain nombre de mesures afin de lutter contre le contournement des sanctions déjà adoptées.


Après avoir exposé les principales mesures adoptées par l'Union européenne puis identifié les limites et possibilités de contournement des sanctions, on s'intéressera aux détails des mesures récemment adoptées par l'Union européenne.



I. Présentation succincte des principales sanctions adoptées par l’Union

européenne

Les principaux textes de référence, s’agissant des sanctions contre la Russie, sont le Règlement (UE) n°833/2014 du 31 juillet 20142, qui détaille les différentes sanctions applicables par secteur économique, ainsi que le Règlement (UE) 269/2014 du 17 mars 2014, qui prévoit les mesures de gel des avoirs3.

Ces deux Règlement ont fait l’objet de modifications successives.


a.      Le Règlement 833/2014


A la date de ce mémo, les sanctions contre la Russie consistent principalement en :
  • Un gel des avoirs à l’encontre d’entités et de personnes physiques identifiées (voir paragraphe I b) ci-dessous) ;
  • Des restrictions liées au territoire de l’UE :
  • Des restrictions à l’entrée sur le territoire de l’UE à l’encontre d’entités et de personnes physiques identifiées
  • Des restrictions visant l’accès à l’espace aérien de l’Union européenne (UE)
  • L’interdiction d'accorder l'accès aux ports et aux écluses de l'UE aux navires enregistrés sous le pavillon de la Russie.
  • L‘interdiction de transport routier sur le territoire de l‘UE

  • Des embargos sectoriels prévoyant des interdictions ou restrictions d’exportation vers la Russie dans les domaines suivants :
  • Défense et sécurité :
  • Biens à double usages et les produits technologiques pouvant contribuer à renforcer les capacités de défense et de sécurité en Russie,
  • Commerce des armes et de leurs éléments essentiels et associés.
  • Transports :
  • l’Aviation,
  • l’Industrie spatiale
  • la Navigation maritime.
  • Energie :
  • Embargo sur le pétrole brut et les produits pétroliers livrés dans les Etats membres depuis la Russie, à l'exception temporaire du pétrole brut livré par oléoduc, assorti d'un plafonnement des prix concernant le transport maritime de pétrole brut à destination des pays tiers,
  • Embargo sur le charbon et les autres combustibles fossiles solides,
  • Interdiction de nouveaux investissements dans le secteur de l'énergie russe,
  • Restrictions à l'exportation d'équipements, technologies et services, destinés à certaines activités dans le domaine de l'énergie et au raffinage du pétrole.
  • Matières premières :
      • Restrictions commerciales concernant le fer, l'acier,
      • Embargo sur l'or d'origine russe, y compris des bijoux,
      • Interdiction de nouveaux investissements dans le secteur minier russe.
  • Produits de luxe :
  • Interdiction des exportations
  • Biens et technologies générant des revenus importants pour la Russie :
Interdiction d’importation

  • Des restrictions sur les services de conseils au gouvernement russe et aux entités établies en Russie ;
  • L'interdiction de passer ou de poursuivre l'exécution de certains marchés publics ou de concession ;
  • Des sanctions financières :
  • L’exclusion de certaines banques russes du système SWIFT ainsi qu’une interdiction totale de transaction avec ces banques
  • L’interdiction de certaines opérations financières avec la Russie
  • L’interdiction de toutes les transactions avec certaines entreprises publiques
  • Des sanctions à l'égard des zones des régions de Donetsk et de Louhansk non contrôlées par le gouvernement ukrainien ainsi qu'à l'égard des zones non contrôlées des oblasts de Zaporijjia et de Kherson ;
  • Des sanctions à l'égard de la Biélorussie.

Compte tenu de la complexité du système des sanctions, il convient évidemment de se référer au texte des Règlement 833/2014 et 269/2014 pour connaître le détail des mesures.

b.      Le Règlement 269/2014 sur le gel des avoirs


Le régime juridique du gel consiste à empêcher tout usage des fonds sur le territoire de l’UE par les personnes visées par des sanctions, ainsi que toute utilisation des autres ressources économiques « afin d’obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit »4.

Cela signifie que :
  • Les personnes visées ne peuvent pas utiliser leurs comptes bancaires européens (ni celui d’une société qu’elles contrôlent) pour payer ou recevoir des paiements ;
  • tous les revenus issus d’un bien, mobilier ou immobilier, et reçus sur le compte sont gelés (perception de loyers, ventes interdites, etc.).
 
Les établissements bancaires européens, qui sont soumis à une obligation de diligence, ne peuvent recevoir des fonds provenant d’une transaction effectuée par une personne ou entité soumise au gel des avoirs conformément aux sanctions établies par l'Union européenne.


Depuis le dixième paquet de sanctions adopté par l'Union européenne le 25 février 2023, les personnes physiques et morales, les entités et les organismes résidants ou établis dans l'Union européenne ont l'obligation de :

  • communiquer à l'autorité compétente de leur État membre toutes les informations susceptibles de faciliter la mise en œuvre du Règlement 269/2014, telles que les informations concernant les fonds et les ressources économiques se trouvant sur le territoire de l'Union et gelés (ou qui auraient dû l'être) conformément au Règlement ;
  • coopérer avec l'autorité compétente aux fins de la vérification de ces informations5.

Toutefois, les mesures de gel des avoirs ne sont pas, et ne peuvent entraîner à elles-seules, des mesures de confiscation de ces avoirs. Une confiscation des avoirs nécessite en effet une décision de justice, fondée sur des infractions pénales.

 

En France, une telle infraction peut être caractérisée par la violation des sanctions elles- mêmes, qui peut entraîner, outre les peines détaillées ci-dessous, la confiscation des avoirs concernés.


c. Les conséquences en France du non-respect des sanctions


En France, enfreindre les sanctions européennes à l'égard de la Russie (par exemple le fait de continuer l'exportation et la vente en Russie de certains produits ou services faisant l'objet d'interdictions) est passible de sanctions pénales6.

Selon l'article 459 1bis du Code de douanes, un tel comportement est passible de :

  • 5 ans d'emprisonnement et
  • Une amende égale au minimum au montant et au maximum du double de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction.

 

Des peines complémentaires peuvent être prononcées telles que l'exclusion des marchés publics, l'interdiction de percevoir une aide publique, l'interdiction d'exercer des activités professionnelles ou la confiscation (articles 131-39 et 131-21 du Code pénal).


II.  Les limites des sanctions actuelles

a. L'absence de sanctions « globales »

Une des limites des sanctions adoptées par l'Union européenne (ainsi que par les Etats-Unis) est liée à leur absence de caractère global, tant du point de vue de leur champ d'application matériel que du nombre de pays appliquant des sanctions à l'égard de la Russie.


Champ d'application matériel des sanctions européennes

 

Même si le Règlement 833/2014 est extrêmement détaillé (voire difficile à appréhender), il ne couvre pas l'ensemble des secteurs de l'économie russe. En effet, les sanctions connaissent deux principales limites, ou contraintes :

      • D'une part, la volonté de minimiser l'impact sur la population civile ;
      • D'autre part, ne pas nuire aux intérêts fondamentaux de l'Union européenne ou de certains des ses Etats-membres, notamment dans le domaine de l'énergie.

Ainsi, les secteurs agro-alimentaires, pharmaceutiques ou de la santé tout comme l'approvisionnement en gaz et en combustible nucléaire sont largement exclus du champ des sanctions ou bénéficient d'exceptions.


Par ailleurs, les interdictions d'importation de pétrole russe ont été progressives. Selon un rapport du think tank finlandais Center for Research on Energy and Clean Air (CREA), les Etats membres de l'Union européenne ont acheté pour environ 50 milliards d'euros de pétrole à la Russie depuis le début de la guerre7.


Enfin, la Russie continue à vendre son pétrole à des pays n'appliquant pas de sanctions à son égard. La Russie a ainsi augmenté la part des exportations de pétrole brut vers l'Inde, la Chine, les Emirats arabes unis, l'Egypte et la Turquie8, lui permettant ainsi de financer la guerre en Ukraine.


Nombre limité de pays appliquant les sanctions

 

Cent quarante et un pays membres de l'ONU ont approuvé, jeudi 23 février 2023, une résolution qui exige le retrait des forces militaires russes du territoire ukrainien. Seuls sept Etats ont voté contre (Russie, Biélorussie, Syrie, Corée du Nord, Mali, Nicaragua, Erythrée), tandis que 32 se sont abstenus, dont la Chine, l'Inde, l'Iran, l'Algérie et l'Afrique du sud. Toutefois, cette résolution est non contraignante et aucune sanction n'a été adoptée par le Conseil de sécurité contre la Russie, compte tenu du veto dont dispose cette dernière.


Ainsi, les sanctions contre la Russie ont été prises essentiellement par l'Union européenne et les Etats-Unis, ainsi que leurs alliés : Royaume-Uni, Norvège, Suisse, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, Corée, Taiwan.


Elles apparaissent donc essentiellement contre des sanctions « occidentales », alors que la plupart des pays émergents, dont des acteurs majeurs comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, se refusent à prendre des sanctions contre la Russie, sans même parler de condamner l'invasion de l'Ukraine.


Une explication avancée pour cette absence d'accord global sur les sanctions contre la Russie tient à l'accroissement des personnes et pays concernés par les sanctions économiques. Ainsi, il y avait une vingtaines de mesures de sanctions économiques actives en 1950, une centaine au début des années 1980, 200 il y a 10 ans et plus de 400 en 2022. La plupart de ces mesures sont décidées par les Etats-Unis (40%), puis par l'Union européenne (15%)9. Cette multiplication des sanctions, et des pays concernées par les sanctions, explique en partie la difficulté à trouver une accord sur des sanctions contre la Russie.


b. Les difficultés d'identification des avoirs faisant l'objet de mesure de gel


Les autorités françaises (entre autres) sont confrontées à une véritable difficulté concernant l'identification des fonds et des ressources économiques détenus par les personnes et entités faisant l'objet d'une mesure de gel des avoirs.

 

En effet, l'opacité entourant ces transactions rend difficile l'identification des bénéficiaires effectifs de ces sociétés. Les personnes visées par les mesures de gel utilisent parfois des prête-noms pour dissimuler le propriétaire officiel de la société. Ces personnes deviennent les propriétaires apparent d'un patrimoine considérable.

 

Ces personnes utilisent également des sociétés-écrans et des entités offshore, immatriculées dans des pays réputés pour leur législation plus souple en matière de fiscalité et de transferts de fonds pour dissimuler leurs transactions et ainsi échapper aux mesures de gel.

Ces techniques de dissimulation compliquent le traçage de l'origine et de la destination des fonds, rendant difficile la mise en place d'efforts de suivi et de contrôle.10

 

Un exemple est celui des biens immobiliers de Boris Rotenberg, qui fait l'objet d'une mesure de gel des avoirs du Règlement 269/2014, ainsi que plusieurs membres de sa famille. Ces biens immobiliers sont détenus par des sociétés monégasques, qui mènent à des structures luxembourgeoises, elles-mêmes constituées par une société-écran panaméenne, connue sous le nom d'Hyperion Consulting et mentionnée dans les "Panama Papers".11

 

Un autre exemple est celui de la villa de Viktor Rashnikov (qui est également visé par le Règlement 269/2014) à Saint-Jean-Cap-Ferrat, qui a fait l'objet d'une saisie pénale suite aux sanctions imposées à cet oligarque russe. La villa était passée sous le radar des autorités françaises car elle n'était pas déclarée comme étant sa propriété auprès de l'administration fiscale. En réalité, la villa appartenait à une société suisse, elle-même détenue par une structure panaméenne.12

 

c. Le contournement technologique et commercial

 

Depuis le début du conflit en Ukraine, la Russie a su exploiter les failles des sanctions européennes pour importer les biens de haute technologie occidentale dont son industrie de défense est fortement tributaire. Plusieurs Etats membres de l'Union européenne ont constaté que les tactiques de contournement sont de plus en plus nombreuses et créatives, et passent notamment par l'utilisation de sociétés-écrans et d'intermédiaires dans le cercle des pays entourant la Russie, à savoir la Turquie, le Kazakhstan, la Biélorussie, l'Arménie, la Géorgie, ainsi que les Emirats arabes unis et la Chine.

 

Ainsi, des appareils électroménagers tels que des réfrigérateurs, des machines à laver, des calculatrices, des imprimantes voire des cigarettes électroniques ont été exportés depuis des pays d'Asie centrale et du Caucase13. Les composants électroniques de ces biens sont ensuite réutilisés pour équiper des radars, des drones russes, des systèmes de missiles et des munitions intelligentes. Des mouvements similaires ont également été observés en Turquie, en Chine et aux Émirats arabes unis.14

 

Cette stratégie de contournement se retrouve dans les statistiques, qui reflètent une augmentation des exportations européennes vers l'Asie centrale depuis le début de la guerre en Ukraine :


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Des entreprises russes ont également cherché à établir des partenariats avec des entreprises non soumises aux sanctions pour poursuivre leurs activités commerciales en Europe. En créant de telles coentreprises, certaines sociétés russes ont réussi à maintenir leurs activités sur le marché européen malgré les sanctions.


d. L'absence de réponse pénale coordonnée


Les États membres de l'Union européenne ont des définitions différentes de ce qui est constitutif d'une violation des mesures restrictives prévus par les Règlements 833/2014 et 269/2014, ainsi que de la nature des sanctions qui devraient être appliquées en cas de violations.


Ainsi, la violation des sanctions ne constitue pas une infraction pénale dans tous les Etats membres de l'Union européenne. Pour les Etats membres ayant une telle infraction pénale, les peines ne sont pas nécessairement les mêmes15.


III. Les réponses possibles aux contournements des sanctions

L'Union européenne a adopté à compter du dixième paquet de sanctions (le 25 février 2023) plusieurs mesures visant à limiter les possibilités de contourner les sanctions.


a. Identifier les fonds et ressources économiques faisant l'objet d'un gel des avoirs :


En vue de garantir l'efficacité des mesures de gels des avoirs, les entités et les organismes résidants ou établis dans l'Union européenne ont depuis le 25 février 2023 l'obligation de communiquer à l'autorité compétente de leur Etat membre les informations sur les fonds et les ressources économiques se trouvant sur le territoire de l'Union et gelés (ou qui auraient dû l'être), et de coopérer avec cette autorité (Cf. paragraphe I b) ci-dessus).


b. Identifier le non-respect des mesures restrictives :


La Commission européenne a mis en place un outil en-ligne (le EU Sanctions Whistleblower Tool, accessible uniquement en anglais pour le moment), permettant de dénoncer de manière anonyme le non-respect par une personne ou une entité des sanctions européennes (pas uniquement celles prises contre la Russie)16.


c. Sanctionner le non respect des mesures restrictives :


Ainsi qu'il l'a été évoqué au paragraphe II d) ci-dessus, tous les Etats membres de l'union européenne n'ont pas la même politique en cas de non-respect des sanctions.

 

Afin d'augmenter l'efficacité des sanctions et de limiter les possibilités de contournement, le Conseil de l'Union européenne a adopté le 22 novembre 2022 une décision visant à ajouter la violation des mesures restrictives à la liste des infractions pénales de l'UE figurant dans le traité sur le fonctionnement de l'UE.

 

La Commission européenne a ensuite proposé, le 5 décembre 2022, un projet de directive relative à la définition des infractions pénales et des sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives de l'Union17. Ce projet comprend :

 

  • Une définition des infractions pénales, qui incluent le fait d'aider des personnes à contourner une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE, la commercialisation de biens visés par des mesures restrictives ou la réalisation de transactions avec des personnes concernées par des mesures restrictives de l'UE ;
  • Le principe de sanctions dissuasives en cas de non respect des mesures restrictives : les sanctions peuvent varier selon les infractions, mais doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ;
  • Le principe d'une application plus stricte : les États membres devront intensifier leurs efforts pour garantir le respect des mesures restrictives de l'UE.

 

Le 9 juin 2023, le Conseil a arrêté sa position visant à harmoniser, au niveau des États membres, les infractions pénales et les sanctions applicables en cas de violation des mesures restrictives de l'UE18.

 

Cette position constitue la base des négociations avec le Parlement européen en vue de parvenir à une position commune sur le projet de directive.

 

d. Limiter les possibilités de contournement :


Le 11e train de sanctions du 23 juin 2023 a prévu deux mesures importantes afin de réduire autant que possible le risque de contournement des mesures restrictives :

 

    • D'une part, le Règlement 833/2014 interdit désormais le transit par le territoire de la Russie de biens et de technologies susceptibles de contribuer au renforcement militaire et technologique de la Russie, au développement de son secteur de la défense et de la sécurité, ainsi que le transit de biens et technologies propices à une utilisation dans le secteur de l'aviation ou l'industrie spatiale, et de carburéacteurs et additifs pour carburants, exportés depuis l'Union19.

 

    • D'autre part, le Règlement 269/2014 prévoit désormais la possibilité d'inscrire sur la liste des personnes soumises à un gel des avoirs, les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes: i) qui facilitent les violations de l'interdiction de contournement des dispositions du règlement 269/2014 ou des règlements et décisions associés ou ii) qui mettent en échec d'une autre manière ces dispositions de façon significative20.

 

e. Sanctionner les Etats non-coopératifs


La Décision (PESC) 2023/1217 du Conseil du 23 juin 202321 envisage désormais la possibilité pour l'Union européenne de sanctionner directement les pays dont le territoire est utilisé à des fins de contournement des mesures restrictives.

 

Afin de lutter contre le contournement des mesures restrictives de l'Union passant par des pays tiers, l'Union souhaite d'abord renforcer la coopération bilatérale et multilatérale, en entretenant un dialogue diplomatique avec les pays tiers en question et en leur apportant une assistance technique accrue.

 

Si cette coopération ne produit pas les résultats escomptés, l'UE prendra des mesures « rapides, proportionnées et ciblées », qui visent uniquement à priver la Russie des ressources qui lui permettent de poursuivre la guerre contre l'Ukraine, sous la forme de mesures individuelles visant à remédier à la participation d'opérateurs de pays tiers à la facilitation du contournement. L'Union reprendra un dialogue avec le pays tiers en question après l'adoption de ces mesures individuelles.

 

Si, en dépit de sanctions individuelles et d'un dialogue plus poussé, le contournement reste substantiel et systémique, l'UE aura la possibilité de prendre des mesures exceptionnelles de dernier recours. Le cas échéant, le Conseil pourra décider à l'unanimité de restreindre la vente, la fourniture, le transfert ou l'exportation de biens et de technologies dont l'exportation vers la Russie est déjà interdite - notamment les biens et technologies servant sur le champ de bataille -, vers des pays tiers dont il est démontré que le territoire est exposé à un risque constant et très élevé d'être utilisé à des fins de contournement22.

 

Conclusion

Le contournement des sanctions de l'UE contre la Russie met en évidence les limites et les complexités de mise en œuvre de ces mesures restrictives. Pour maintenir l'efficacité des sanctions économiques, l'UE devra renforcer la coordination entre ses Etats membres et collaborer avec d'autres acteurs internationaux pour prévenir les contournements et promouvoir la stabilité régionale.



1 L'économie russe plie mais ne rompt pas | Les Echos, 13 septembre 2023.

2 Règlement (UE) N°833/2014 du Conseil du 31 juillet 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, dont la version consolidée peut se trouver via ce lien : CL2014R0833FR0180020.0001.3bi_cp 1..2 (europa.eu)

3 Règlement (UE) N°269/2014 DU CONSEIL du 17 mars 2014 concernant des mesures restrictives eu

égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine. Une liste à jour des personnes physiques et morales faisant l'objet de mesures restrictives est accessible via le Registre national des gels de la Direction générale du Trésor : Gel des avoirs - Gels des Avoirs - Direction Générale Du Trésor (dgtresor.gouv.fr).

4 Article 1er du Règlement (UE) n° 269/2014.

5 Article 8 du Règlement (UE) n° 269/2014.

7 « Sanctions contre la Russie: pourquoi l'économie du pays a mieux résisté que prévu », Le Monde, 2 octobre 2022.

8 Idem note 4.

9 « Le succès en trompe l'œil des sanctions internationales », Les Echos, 18 avril 2023.

10 « Les méthodes parfois rudimentaires des oligarques russes Arkadi et Boris Rotenberg pour échapper aux sanctions internationales », Le Monde, 21 juin 2023.

11 « Boris Rotenberg, un oligarque russe dont les villas françaises échappent aux sanctions », Le Monde, 20 juin 2023.

12 « Une villa et dix-neuf enquêtes ouvertes : les sanctions contre les oligarques russes commencent à porter leurs fruits en France », Le Monde, 1er mars 2023.

13 « Guerre en Ukraine : ces petits arrangements qui permettent à la Russie d'échapper aux

sanctions », Le Monde, 28 avril 2023.

14 « A Kiev, Ursula von der Leyen dévoile son plan pour lutter contre le contournement des sanctions visant la Russie », Le Monde, 9 mai 2023.

15 « Guerre en Ukraine : ces petits arrangements qui permettent à la Russie d'échapper aux

sanctions », Le Monde, 28 avril 2023.

16 EUsanctions - Home (integrityline.com)

17 Sanctions: le Conseil ajoute la violation des mesures restrictives à la liste des infractions pénales de l'UE - Consilium (europa.eu)

18 Mesures restrictives de l'UE: le Conseil arrête sa position sur une directive qui aligne les sanctions en cas de violation - Consilium (europa.eu)

19 Règlement 833/2014, article 2 bis 1 bis.

20 Règlement 269/2014, article 3.1 h).

21 Décision (PESC) 2023/1217 du Conseil du 23 juin 2023 modifiant la décision 2014/512/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.

22 Considérants 8 à 16 de la Décision (PESC) 2023/1217 du Conseil du 23 juin 2023.

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Hugues Boissel Dombreval

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