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Les éléments incorporels de la franchise

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Lors de la création d'un réseau de franchise, plusieurs facteurs doivent être réunis pour matérialiser et protéger un « concept » commercial. Au cœur de ces facteurs, parfois négligés par les franchiseurs non spécialistes du sujet, figurent la marque et le savoir-faire. Marque mal conçue, mal gérée ou Savoir-faire mal défini, mal protégé, mal communiqué : les conséquences d'une gestion approximative de ces éléments peuvent être terribles pour la validité du réseau.


1. La Marque

La marque n'est pas juste le nom original choisi par le franchiseur pour nommer son réseau et ses produits.

C'est surtout un titre de propriété et donc un actif stratégique de la franchise, dont la protection et la valeur doivent être gérées avec la plus grande rigueur.

Beaucoup d'entrepreneurs non spécialisés en la matière négligent les étapes d'une telle gestion :


  • Le difficile choix d'un nom inédit, original et fort, qui se distingue des marques et autres signes distinctifs préexistants (et qui a donc fait l'objet de vérifications préalables sérieuses, pour éviter des contestations de tiers, titulaires de droits antérieurs);

  • Une stratégie territoriale : le nom est-il destiné à être étendu à l'étranger, immédiatement ou à moyen terme, auquel cas son choix est plus compliqué et les antériorités potentiellement gênantes, plus nombreuses.
  • Des dépôts uniques ou avec de multiples déclinaisons, en fonction de la force que l'on souhaite attacher à sa marque et des objectifs du réseau.
  • Une gestion durable : veiller aux renouvellements décennaux, répondre aux incidents soulevés par les offices ou des tiers, faire évoluer sa marque et faire de nouveaux dépôts si besoin, etc.
  • Une exploitation réelle de la marque : Une marque doit être exploitée, en particulier lorsqu'elle est l'élément d'attraction clé d'une franchise. Outre le rôle du titulaire, les accords passés avec les franchisés doivent détailler précisément leurs obligations à cet égard, afin de faire vivre la marque et soutenir le développement du réseau. Il en va de même de la communication autour du réseau, portée par l'originalité et la nouveauté d'une marque et de ses produits, et qui contribue progressivement – espère-t-on – à la notoriété de celle-ci et à la solidité de la franchise.
  • Une défense active de la marque : il s'agit de mettre en place une veille juridique permettant d'être alerté et de réagir en cas d'apparition de signes distinctifs concurrents, identiques ou similaires ; il s'agit aussi d'avoir une politique active de lutte contre les atteintes à la marque (mises en demeure, oppositions, actions en contrefaçon ou en nullité; cybersquatting, etc.).
  • Une valorisation de la marque : surtout en matière de franchise, puisque cet actif constitue un élément fédérateur essentiel du réseau. Cette valorisation, aux différentes étapes de la vie du réseau, est souvent négligée, en raison du caractère incorporel de la marque, alors qu'il s'agit d'un actif majeur.
  • La perception de la marque comme un des composants incorporels du réseau, avec le savoir-faire, notamment. Il s'agit d'une stratégie globale d'encadrement et de protection d'un concept, qui se distingue en cela d'une simple licence de marque. La jurisprudence est régulièrement amenée à requalifier un contrat de licence en contrat de franchise…et inversement[1] 

Aussi, pour bien qualifier et consolider ce cadre général, les actes constitutifs du réseau, et notamment le contrat de franchise, doivent bien organiser les règles relatives à la protection et à l'exploitation de la marque…et du savoir-faire.


2. Le Savoir-faire


Elément le plus immatériel des incorporels, le savoir-faire n'est pas un droit de « propriété intellectuelle », mais un simple fait juridique de « possession d'information », protégé essentiellement par le secret que ses détenteurs aménageront autour de lui.

Il n'est pas propre à la franchise, bien évidemment, mais revêt, dans ce cadre, une importance toute particulière, puisque, bien qu'unique et secret, il est partagé au sein du réseau et le distingue même d'un simple partenariat autour d'une marque. Sa maîtrise et son étanchéité sont donc des composants clé de caractérisation et de viabilité du réseau.


2.1. Une définition large

Il s'agit en pratique des méthodes commerciales[2] ou techniques confidentielles d'une entreprise qui, ayant contribué à son succès, sont communiquées à son réseau de franchisés contre rémunération, notamment via l'assistance commerciale et technique due à ces derniers.

La jurisprudence et la réglementation européenne ont pu donner une définition assez convergente du savoir-faire : « ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles, non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur, testées par lui et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel »[3]

Au-delà des définitions jurisprudentielles et empiriques du savoir-faire, ce dernier fait aujourd'hui partie des composants du « secret des affaires », notion plus large et plus économique que technique, réglementée au niveau européen, mais dont les trois critères rejoignent ceux du savoir-faire. Ainsi, la loi française n°2018-670 du 30 juillet 2018, transposant la Directive n°2016/943 sur le Secret des Affaires, le définit comme toute information :


1° qui n'est pas, en elle­-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité (on parle plus conventionnellement d'information 'secrète');

2° qui revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret; 3° qui fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »


2.2.       Des règles de protection strictes et parfois négligées

Alors qu'il constitue un élément fort de la validité et de l'opposabilité du réseau de franchise, le savoir-faire est parfois négligé par le franchiseur, voire par les franchisés insuffisamment sensibilisés.


Côté franchiseur, 

il est rarement identifié avec la rigueur nécessaire, c'est-à-dire formulé, décrit, documenté de manière complète et opérationnelle. On retrouve d'ailleurs cette difficulté dans les contentieux ou lors de la négociation contractuelle, lorsqu'il s'agit d'établir l'existence, l'étendue et la communication d'un savoir-faire allégué. Il est trop souvent confondu avec la seule existence de la marque, ce qui ne suffit pas.


Côté franchiseur encore, 

le transfert effectif du savoir-faire aux franchisés est une obligation fondamentale, de manière à permettre sa mise en œuvre opérationnelle au sein du réseau. Le franchiseur doit notamment aménager et conserver la preuve détaillée de cette communication.

Obligation de résultat, le défaut de communication ou une communication incomplète peut évidemment générer des litiges entre les deux parties, et menacer la validité du contrat de franchise.

Cette obligation n'est d'ailleurs pas uniquement ponctuelle, à l'entrée d'un franchisé dans le réseau, mais continue, notamment à travers l'obligation parallèle de formation. En particulier, le franchiseur est libre de faire évoluer son savoir-faire (y compris sa marque), à condition toutefois que cela ne cause pas de trouble inapproprié au concept même du réseau, les franchisés étant naturellement frileux à l'idée de changer une méthode ou de modifier une marque ayant contribué au succès d'une franchise. Dans ce cas, le franchiseur doit non seulement se soucier de la justification objective d'un tel choix, mais également anticiper et organiser la transition vers une nouvelle version de son savoir-faire, tant par une information et une formation internes, que par une communication publique appropriée, avec pour objectif de ne pas menacer les fondamentaux et la pérennité de la franchise.


Côté franchiseur comme côté franchisé, 

son caractère secret n'est pas toujours suffisamment pris au sérieux et organisé.

D'une part, il ne suffit d'appeler « savoir-faire » une information pour qu'elle rentre réellement dans les critères de définition du concept. Trop d'informations ainsi qualifiées sont en réalité déjà décrites dans diverses sources publiques, ou sont si évidentes que les franchisés pourraient les découvrir par eux-mêmes sans grands efforts. En conséquence, un tel savoir-faire serait fragile devant un tribunal, et par extension le réseau.

D'autre part, le franchiseur comme les franchisés ne prennent pas toujours les mesures de protection nécessaires pour pérenniser leur concept. Pourtant, les conséquences d'une fuite du savoir-faire peuvent être graves, puisque, devenu public, il ne peut plus être « rattrapé » et le franchiseur ne pourra rechercher qu'une réparation pécuniaire, ce qui n'est pas sa priorité. Le titulaire doit véritablement organiser cette protection, tant en interne qu'à l'égard des franchisés. Il s'agit donc de prendre des mesures techniques et organisationnelles fortes, mais aussi de préciser correctement ces obligations dans le contrat, y compris un droit d'audit régulier. En particulier, la sensibilisation des salariés et dirigeants est un facteur clé de la solidité du secret du savoir-faire.


Enfin, le savoir-faire doit avoir une véritable valeur substantielle sur le marché en cause. Le savoir-faire doit regrouper un ensemble d'éléments constitutifs d'un véritable avantage concurrentiel, pour le franchiseur et les franchisés, par rapport aux informations dont disposent les concurrents dans le secteur d'activité considéré.

C'est souvent là l'élément le plus délicat à établir, et donc à prouver, même si sa caractérisation peut résulter d'un ensemble d'indices faibles mais convergents, telles son expérimentation effective par le franchiseur[3] ou encore la réussite du réseau, et d'une manière générale la preuve du lien de causalité entre l'exploitation effective du savoir-faire et les résultats de la franchise.

Le titulaire doit donc (i) identifier et encadrer son savoir-faire, (ii) le protéger par des mesures adéquates, (iii) le communiquer aux franchisés avec des exigences de protection strictes et contrôlées et surtout (iv) veiller à son application et à son respect au sein du réseau.


2.3. Le respect du savoir-faire par le franchisé

Comme indiqué, ce respect se prévoit d'abord de manière précise dans les dispositions du contrat, imposant au franchisé des obligations fortes en la matière et naturellement, en premier lieu, une obligation de confidentialité détaillée et contrôlée.


La violation de cette confidentialité fait encourir au franchisé non seulement une résiliation immédiate du contrat, mais aussi une condamnation à indemniser le franchiseur pour le préjudice causé. Or, ce préjudice est souvent conséquent, dans la mesure où il est généralement impossible de  rattraper la divulgation d'une information secrète, et alors que le secret est un élément fondamental de la franchise[4].


Autre défaillance possible, la non-mise en œuvre du savoir-faire par le franchisé, qui engage alors sa responsabilité et risque la résiliation du contrat. Le franchiseur doit cependant rapporter la preuve de cette défaillance, en se basant notamment sur la documentation dudit savoir-faire et sur les pratiques effectives du reste du réseau. A cette fin, le contrat doit impérativement prévoir un droit d'audit régulier, mais également une obligation d'information stricte de la part du franchisé, concernant par exemple d'éventuelles plaintes de clients ou des incidents sur l'application d'une méthode ou d'un procédé.


2.4. La contestation du savoir-faire

Les franchisés en litige avec le franchiseur sont parfois tentés de contester tantôt l'existence même du savoir-faire lié la franchise (notamment la banalité des informations supposées exclusives et secrètes), tantôt l'effectivité de sa communication. Supportant la charge de la preuve, il leur appartient alors en premier d'établir le bien-fondé de leurs allégations.


Face à d'éventuels débuts de preuve, il appartient alors au franchiseur, de son côté, d'établir l'existence et/ou la communication de ce savoir-faire. En premier lieu en prouvant l'existence d'une documentation, d'un guide, d'un manuel, d'un outil numérique dûment protégé et définissant la teneur de ces connaissances[5]. Le temps peut aussi être un élément probant : un franchisé contestant abusivement un savoir-faire après 20 ans sans la moindre contestation ; l'adhésion de longue date du franchiseur à la fédération française de la franchise, et donc à son code de déontologie ; la rentabilité générale du réseau, sur plusieurs années, etc.


A défaut, l'absence de savoir-faire ou de sa communication effective et continue aux franchisés, peut conduire à la nullité du contrat de franchise, voire la disparition du réseau[6], avec une obligation de restituer les sommes versées par le franchisé au titre du contrat de franchise. Toutefois, les tribunaux restent très prudents à cet égard, notamment si la contestation apparaît extrêmement tardive[7]. Certains requalifient plutôt le contrat en contrat d'entreprise, excluant ainsi l'obligation de restitution financière.

Par ailleurs, dans l'hypothèse où le franchiseur n'aurait pas réussi à maintenir son savoir-faire secret tout le long de la franchise, il risque, outre la résiliation du contrat, une condamnation à indemniser le préjudice du franchisé de ce fait.


En conclusion, 

le franchiseur, s'il souhaite garantir la validité de son réseau de franchise, doit suivre des bonnes pratiques rigoureuses afin d'assurer la protection des éléments incorporels de son concept, et en particulier du savoir-faire, composant essentiel de ce cadre juridique avantageux mais fragile :

  • Véritable stratégie de dépôt, de gestion et de valorisation de la marque ;
  • Mise en place de mesures de protection juridiques, techniques et organisationnelles fortes ;
  • Insertion de clauses rigoureuses et exigeantes dans le contrat de franchise ;
  • Communication effective et complète du savoir-faire aux franchisés, en ce compris une formation et une sensibilisation renouvelées à ces enjeux;
  • Conservation des preuves relatives à ces différentes étapes d'identification, de protection, de communication et d'exploitation de la marque et du savoir-faire ;
  • Organisation de contrôles, audits et échanges réguliers avec les franchisés, afin d'assurer le respect et la mise en œuvre effective de la marque comme du savoir-faire.

Ces bonnes pratiques ne sont hélas pas toujours connues ni mises en œuvre, fragilisant alors la validité et le succès du réseau. Notre article espère contribuer à rappeler ces principes fondamentaux aux intéressés.


[1] CA Grenoble, 3 mars 2022, n° 19/02810 : JurisData n° 2022-006276

[2] CJUE, 28 janv. 1986, aff. 161/84, Pronuptia

[3] CA Paris, 31 mai 2017, n° 15/13702, préc. – V. aussi Cass. com., 8 juin 2017, n° 15-22.318 ; et aussi l'article 1, j) du règlement d'exemption n° 2022/720  du 10 mai 2022

[4] Cour d'Appel de Paris, 9 janvier 2019, n°16/21425

[5] Cour d'Appel de Nancy, 14 oct. 2020, no  19/01736

[6] Cour d'appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 22 Mai 2019 - n° 17/05279 

[7] Cour d'appel de Chambéry, 1re chambre, 3 octobre 2023, n° 21/00142 

[8] Voir note 4.

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Frédéric Bourguet

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