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EGalim 2 à l’heure de la réouverture des négociations commerciales

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Paris | 12.04.2022

« Compte tenu des modifications significatives des conditions économiques, les distributeurs doivent adapter les contrats les liant à de nombreux fournisseurs. De nouvelles négociations doivent ainsi être ouvertes sur la base d'un dialogue transparent et constructif entre les parties avec la mise en œuvre des mécanismes d'indexation, de renégociation ainsi que du cadre des pénalités logistiques ».
- C'est ainsi que s'est exprimé le Ministre de l'Agriculture et de l'alimentation, Monsieur Julien Denormandie, le 16 mars lors de la présentation du plan de résilience économique et sociale.  

Ainsi, sous l'égide de Bercy et du Ministère de l'agriculture, les négociations commerciales 2022, à peine achevées le 1er mars, ont été « ré-ouvertes ». Une réunion hebdomadaire avec Monsieur Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, en lien avec Madame Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'Industrie, et Monsieur Alain Griset, ministre délégué chargé des PME, est ainsi prévue tous les jeudis pour en suivre le déroulement.

 

Les raisons ?

La hausse subite des prix des matières premières agricoles et la flambée des coûts des emballages et de l'énergie liés au conflit en Ukraine, ont d'ores et déjà mis à mal les négociations commerciales 2022. Dans ce contexte, il est désormais urgent que les acteurs de ces négociations se retrouvent à nouveau autour d'une table.

 

En complément, une Charte d'engagement, certes non contraignante, vient d'être signée le 31 mars 2022 par les acteurs concernés (fédérations de transformateurs, industriels, et enseignes de la distribution).

Reste à savoir si les parties joueront le jeu.

 

A cet égard, un bref rappel s'impose : les négociations commerciales passées ont d'abord été marquées par un premier défi de pure forme : celui d'introduire dans les documents juridiques (conditions générales de vente, convention à signer avant le 1er mars 2022) les obligations résultant d'une Loi adoptée en octobre 2021 que le Ministère de l'agriculture n'est venu éclairer par sa « Foire aux questions » que le 13 décembre 2021.

 

Le deuxième défi aura été ensuite pour certains fournisseurs ne présentant pas la puissance de groupes internationaux incontournables, non seulement de trouver des indicateurs pertinents mais surtout de faire passer des hausses de prix autres que celles liées aux matières premières agricoles (« MPA ») entrant dans la composition des produits alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie. Pour ces dernières hausses, le principe de « sanctuarisation » mis en place devrait en principe avoir permis de répercuter sur la grande distribution les hausses subies par les producteurs agricoles et agriculteurs.

 

Le troisième défi est certainement celui que tentent aujourd'hui de relever les « tiers indépendants » visés par la loi EGalim 2 et qui n'ont – en théorie - plus que quelques jours pour établir à l'attention de leurs clients - fournisseurs ayant choisi l'option 3 - l'attestation visée à l'article L441-1-1 du code de commerce.

 

Rappelons encore que cette loi impose, d'une part une obligation de transparence à la charge des fournisseurs de matières premières agricoles (1.) et, d'autre part, l'introduction d'une clause de révision automatique de prix dans les conventions uniques conclues entre le fournisseur et le distributeur (2.) :

 

1. à l'égard des fournisseurs de MPA (sauf exceptions) une obligation de transparence

Cette obligation de transparence se traduit par l'obligation pour les fournisseurs, à l'exception des grossistes, de faire figurer dans leurs CGV:

  • Option 1: la part que présentent dans leurs produits alimentaires les matières premières agricoles et les produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles qui entrent dans leur composition, en pourcentage du volume et en pourcentage du tarif ;
  • Option 2 : la présentation de la part agrégée de ces mêmes matières premières agricoles ;
  • Option 3 : le recours à un tiers indépendant, étant précisé que cette option n'est possible que si le fournisseur fait état d'une évolution tarifaire par rapport à l'année précédente. Ce tiers indépendant, mandaté aux frais du fournisseur, sera chargé de certifier au plus tard un mois après la conclusion du contrat (dont on rappelle qu'elle aura été signée au plus tard le 1er mars 2022), que celle-ci n'a pas porté sur la part de cette évolution résultant de l'évolution du prix des matières premières. Si le code de commerce ne précise pas qui est ce tiers indépendant, le texte énonce simplement que ce dernier sera astreint au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont il a connaissance à raison de ses fonctions. On pense bien évidemment de suite aux commissaires aux comptes et experts-comptables.

Il est intéressant de relever que dans le cadre des négociations commerciales 2022, selon les premiers retours, la majorité des conventions signées avec les grandes enseignes font état du choix de l'option 3, option qui a pu apparaître plus rassurante, en ce que la première option, et la seconde dans une moindre mesure, impliquent pour les fournisseurs de dévoiler à leurs acheteurs à la fois la construction de leurs prix et la composition de leurs produits alimentaires.

 

Il serait également intéressant d'identifier la proportion des fournisseurs ayant choisi cette 3ème option « par défaut », rebutés par les options 1 et 2.

 

Depuis, il a pu être constaté que cette option 3 ne libère pas les fournisseurs de leur obligation de déterminer la part des matières agricoles dans chacun de leurs produits alimentaires, étape préalable à l'accomplissement par le tiers indépendant de sa mission. L'avis technique rendu par la compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), qui traduit d'ailleurs son malaise par rapport à cette mission « à vue », rappelle surtout que l'attestation est réalisée à partir de la note méthodologique rendue par le client :

 

« …compte tenu des difficultés de compréhension des textes légaux et règlementaires applicables et des divergences d'interprétations susceptibles d'intervenir, il est fondamental que les interprétations et options prises par les fournisseurs soient clairement explicitées dans la note méthodologique qu'ils établissent et qui est destinée à être jointe à l'attestation du commissaire aux comptes. »

 

Le commissaire aux comptes « limite » ainsi sa mission à une vérification des éléments préparés par son client.

 

2. d'introduire une clause de révision automatique des prix

Seconde innovation majeure : la clause de révision automatique des prix !

 

Le code de commerce prévoit désormais que la convention écrite entre le fournisseur et le distributeur doit contenir une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l'alimentation des animaux de compagnie. La formule de révision doit ainsi notamment tenir compte des indicateurs de coûts de production publiés par les interprofessions.

 

Si cette clause apparaît de prime abord une bonne idée, sa rédaction s'est avérée en réalité à la fois compliquée, voire parfois impossible. L'identification des indicateurs les plus pertinents s'est avérée complexe du fait qu'il peut en exister une multitude pour certaines filières et pour d'autres aucun.

Plus encore, les seuls indicateurs disponibles traduisent en réalité les cours de matières premières agricoles et non les coûts des agriculteurs.

 

La formule de révision ne devra alors pas s'arrêter dans les contrats amont à cette seule référence. Le choix de ces derniers par les fournisseurs appelle à la rigueur, en ce qu'ils ont une incidence considérable quant à la révision automatique des prix.

Mais pas seulement ...

 

Le choix des indicateurs demeure une question essentielle puisque ceux-ci doivent figurer dans les conditions générales de vente, lesquelles doivent expliciter les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour la détermination des prix. 

 

Enfin, on rappellera, mais ce n'est pas une obligation résultant de la loi Egalim 2, que les contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, de l'énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages doivent comporter une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse.

 

A la différence de la clause précitée, il s'agit ici d'une renégociation qui doit être menée et non de la révision automatique de prix.

 

Nul doute que les semaines à venir seront particulièrement intéressantes pour suivre cette « ré-ouverture » annoncée des négociations commerciales :

 

Rappelons que selon la Charte d'engagements des fournisseurs de produits agricoles et alimentaires et des enseignes de la grande distribution dans le contexte de guerre en Ukraine, signée le 31 mars 2022, les enseignes ont pris les engagements "d'activer les clauses de renégociation en acceptant de rouvrir les discussions sur les coûts agricoles et industriels", et ce "même lorsque les critères de déclenchement des clauses ne sont pas forcément réunis". Quant aux fournisseurs ces derniers se sont engagés « à justifier les demandes de hausses  et à mettre en place des dispositifs qui soient réversibles pour que cela fonctionne dans les deux sens. ".
Il ne reste plus qu'à voir si la table des renégociations sera bien ouverte pour tous….

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Julia Planty

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