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Loi EGAlim 3 : le point sur ses principaux apports avant le changement annoncé du calendrier des négociations commerciales 2024

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Face à la tendance inflationniste qui dure malgré la déflation actuelle de certaines matières premières agricoles, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé, à l'issue d'une réunion entre industriels et représentants de la grande distribution qui s'est tenue à la fin du mois d'août 2023, que le prix de 5.000 références dans les grandes surfaces n'augmenterait pas voire baisserait.

 

Afin que la baisse des prix souhaitée soit effective dès le mois de janvier 2024, Bercy a préparé un texte de loi prévoyant d'avancer la date des négociations commerciales pour les « 75 » plus grands industriels et leurs clients de la grande distribution. Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres le 27 septembre 2023 et adopté par l'Assemblée nationale le 9 octobre 2023. Il sera examiné par le Sénat le 23 octobre 2023.

 

En l’état du projet de loi, les règles suivantes pourraient s’appliquer dans les relations entre fournisseurs et distributeurs de produits de grande consommation (à l’exception des grossistes) :
 
  • Pour un fournisseur dont le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros :
          •  Envoi des conditions générales de vente par le fournisseur avant le 1er novembre 2023 ;
          •  Observations du distributeur sur les conditions générales de vente du fournisseur dans les 15 jours de leur réception ;
          •  Conclusion de la convention écrite avant le 31 décembre 2023, laquelle devra prendre effet au plus tard le 1er janvier 2024 ;
 
  • Pour un fournisseur dont le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros :
          •  Envoi des conditions générales de vente par le fournisseur avant le 15 novembre 2023 ;
          •  Observations du distributeur sur les conditions générales de vente du fournisseur dans les 15 jours de leur réception ;
          •  Conclusion de la convention écrite avant le 15 janvier 2024, laquelle devra prendre effet au plus tard le 16 janvier 2024 ».
 

En attendant le texte définitif qui pourrait encore nous réserver de belles surprises, nous vous proposons de revenir brièvement sur le régime applicable à ces négociations et les récents changements apportés par la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, appelée également loi « Decrozaille » (du nom du député ayant porté initialement ce texte) ou loi « EGAlim 3 ».

 

Pour mémoire, l'article L. 443-8 du Code de commerce prévoit l'obligation pour les fournisseurs et acheteurs ou distributeurs de produits alimentaires et de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, de conclure au plus tard le 1er mars une convention écrite (dite également « convention unique ») d'une durée d'un, deux ou trois ans, mentionnant notamment les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l'issue de la négociation commerciale.

 

Cet article précise que le fournisseur doit communiquer ses conditions générales de vente (dès lors qu'il les aurait établies) à l'acheteur au plus tard trois mois avant cette date, soit avant le 1er décembre (sous réserve d'un nouveau texte de loi qui avancerait cette date).

 

Parmi les principaux apports de la loi EGAlim 3, on relèvera :

 

  • la réaffirmation (i) de l'application de la loi française à toute convention entre un fournisseur et un acheteur portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français et (ii) de la compétence exclusive des tribunaux français pour tout litige portant sur leur application (L. 444-1 A C. com.) ;
  • l'extension aux produits à marques de distributeur (MDD) du principe de non-négociabilité des matières premières agricoles, interdisant de faire porter la négociation commerciale sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des matières premières agricoles et des produits transformés composés à plus de 50 % de matières premières agricoles (les produits transformés) (L. 441-7 C.com.) ;
  • la remise d'une attestation supplémentaire dans le cadre de l'option 3 de transparence tarifaire, devant être fournie par le fournisseur au distributeur dans le mois suivant l'envoi des conditions générales de vente (L. 441-1-1 C. com) ayant pour objet de certifier la cohérence des informations relatives à l'évolution du prix proposé conformément aux conditions générales de vente, notamment eu égard à l'évolution de la part que représente, dans ce prix convenu, le prix d'achat des matières premières agricoles.
    Pour ce faire, le nouvel article L. 441-1-1 du Code de commerce précise que « le fournisseur transmet au tiers indépendant les pièces nécessaires à cette attestation, notamment la méthodologie employée pour déterminer l'impact sur son tarif de l'évolution du prix desdites matières premières agricoles ou desdits produits transformés ».
    On rappellera en outre que l'acheteur peut, à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant pour attester l'exactitude des informations transmises figurant dans les conditions générales de vente, qu'il s'agisse de la part unitaire (option 1) ou agrégée (option 2) des matières premières agricoles et produits transformés dans le tarif du fournisseur.
    Tout manquement aux dispositions relatives à l'obligation de transparence tarifaire et à l'obligation de non-négociabilité de la part que représente, dans le tarif du fournisseur, le prix des matières premières agricoles et des produits transformés, est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75.000 € pour une personne physique et 375.000 € pour une personne morale (montants doublés en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive).
  • un encadrement accru des pénalités logistiques, désormais plafonnées à 2 % de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l'inexécution a été constatée (et non sur l'ensemble de la commande) (441-17 C. com.).  
    La loi EGAlim 3 prévoit en outre plusieurs nouvelles règles relatives à la mise en œuvre et au contrôle des pénalités logistiques, et notamment une obligation annuelle de communication par le distributeur à l'Administration du montant des pénalités logistiques infligées à ses fournisseurs ainsi que des montants effectivement perçus. Le non-respect de cette obligation est passible d'une amende administrative d'un montant maximum de 75.000 € pour une personne physique et 500.000 € pour une personne morale (montants portés respectivement à 150.000 € et 1.000.000 € en cas de réitération du manquement dans les deux ans d'une décision de sanction devenue définitive).
    Enfin, on signalera à ce sujet la nouvelle obligation prévue par cette loi, de conclure d'une convention logistique distincte de la convention unique et pour laquelle la date butoir du 1er mars n'est pas applicable. 
  • la prise en compte d'un nouveau critère d'analyse en matière de rupture brutale de relations commerciales établies, à savoir la prise en compte « des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties » pour la détermination du prix au cours du préavis de rupture (L. 442-1, II, C. com).
    A cet égard, la loi EGAlim 3 prévoit notamment, à titre expérimental pour une durée de trois ans, qu'à défaut de convention conclue au plus tard le 1er mars, le fournisseur pourra (i) soit, en l'absence de contrat nouvellement formé, mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens du II de l'article L. 442-1 du code de commerce, (ii) soit demander l'application d'un préavis conforme à ce texte (article 9 de la loi EGAlim).
    Est également introduit expressément dans le Code de commerce, le principe de bonne foi dans la conduite de la négociation de la convention écrite, conformément à l'article 1104 du Code civil (L. 441-4 C.com.) avec pour corollaire une nouvelle pratique restrictive de concurrence (soumise notamment au prononcé d'une amende civile) pour « ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément à l'article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d'un contrat dans le respect de la date butoir prévue à l'article L. 441-3 » (L. 442-1, 5° C.com.).

Outre la cessation des pratiques, la réparation du préjudice subi, la nullité des clauses ou contrats illicites et la répétition des avantages indus, la loi française permet au ministre de l'Économie de demander à la juridiction saisie d'infliger à l'auteur d'une pratique restrictive de concurrence une amende civile dont le montant peut atteindre le plus élevé des trois montants suivants : cinq millions d'euros, le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus, ou 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

 

Dans ce contexte de forte pression du gouvernement, les négociations commerciales 2024 s'annoncent difficiles, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui n'auront pas toujours pu, les années précédentes, répercuter dans leurs négociations commerciales, les hausses des coûts de production autres que celles liées au prix des matières premières agricoles.

 

Rödl & Partner Avocats et Rödl & Partner Com Audit vous accompagnent dans vos négociations commerciales, en particulier dans l'actualisation de vos conditions générales de vente et l'établissement des attestations dans le cadre de l'option 3 précitée.


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