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Constitutionnalité affirmée des clauses d’exclusion statutaire

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Par une décision en date du 9 décembre 2022[1], le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du code de commerce selon lesquelles les associés d'une société par actions simplifiée (« SAS ») peuvent prévoir dans les statuts l'obligation pour un associé de céder ses actions dans les conditions qu'ils déterminent (« clause d'exclusion statutaire »). Plus précisément, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il n'y avait pas d'atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (« DDHC »).

 

Pour mémoire, le Conseil constitutionnel avait été saisi[2] de quatre questions prioritaires de constitutionnalité (« QPC ») interrogeant la conformité des articles L. 227-16, alinéa 1 et L. 227-19, alinéa 2 du code de commerce au droit de propriété garanti constitutionnellement[3].


L'article L. 227-16, alinéa 1 du code de commerce pose le principe de la clause d'exclusion statutaire dans une SAS et de la libre détermination de ses modalités de mise en œuvre dans les statuts. L'article L. 227-19, alinéa 2 du code de commerce, quant à lui, prévoit, depuis l'entrée en vigueur de la loi Soilihi le 21 juillet 2019[4], que la clause d'exclusion statutaire ne peut être adoptée ou modifiée que par une décision collective des associés prises dans les conditions et formes prévues par les statuts. L'objectif de la loi Soilihi était de donner davantage de souplesse et de liberté aux associés de SAS ainsi que d'éviter certaines situations de blocages à l'occasion de l'adoption ou de la modification d'une clause d'exclusion statutaire. Avant cette loi, la clause d'exclusion statutaire d'une SAS ne pouvait en effet être adoptée ou modifiée qu'à l'unanimité des associés. En pratique, les statuts prévoient le plus souvent aujourd'hui que la clause d'exclusion statutaire ne pourra être adoptée ou modifiée qu'à la majorité prévue pour les décisions extraordinaires, à savoir une majorité qualifiée (3/4 des actions composant le capital social par exemple) et plus rarement l'unanimité.

 

Il est important ici de rappeler la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle l'associé dont l'exclusion est envisagée doit pouvoir participer au vote de la décision[5]. L'article 1844, alinéa 1 du code civil dispose en effet que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Ainsi, si les statuts peuvent librement organiser la procédure d'exclusion, ils ne peuvent pas prévoir que l'associé concerné par l'exclusion ne pourra pas prendre part au vote[6], ni que son vote ne sera pas pris en compte pour le calcul des voix[7], ni même qu'il ne pourra pas être présent à l'assemblée générale devant statuer sur son exclusion.

 

Les faits ayant conduit à la transmission des QPC au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation sont les suivants : un salarié était associé d'une SAS (« le requérant »). Les statuts de cette SAS subordonnaient la qualité d'associé à celle de salarié ou de mandataire social de la société. Les statuts contenaient donc une clause d'exclusion statutaire selon laquelle la perte de la qualité de salarié ou de mandataire social de la société était un motif d'exclusion de l'associé. Le requérant ayant fait l'objet d'un licenciement, les associés s'étaient donc réunis et avaient voté en faveur de son exclusion, après avoir pris le soin au préalable de modifier la clause d'exclusion statutaire qui prévoyait jusqu'alors que l'associé concerné par l'exclusion ne pouvait pas prendre part au vote.

 

Le requérant, qui avait donc pris part au vote concernant son exclusion, souleva devant le tribunal de commerce de Paris la nullité de la modification de la clause d'exclusion statutaire ainsi que de la décision d'exclusion. Parallèlement, il déposa 4 QPC et invoqua la non-conformité des articles L. 227-16, alinéa 1 et L. 227-19, alinéa 2 du code de commerce avec le droit de propriété, garanti constitutionnellement. Il estimait que le fait qu'un associé puisse être forcé de céder ses actions en vertu d'une clause statutaire à laquelle il n'aurait pas consenti constituait une violation du droit de propriété garanti par l'article 17 de la DDHC, arguant notamment que l'atteinte à ce droit inviolable et sacré n'est possible qu'en cas de nécessité publique prévue par la loi (c'est-à-dire un motif d'intérêt général) et après octroi d'une indemnité préalable et considérée comme juste au vu de la gravité de l'atteinte.

 

Le Conseil constitutionnel affirme que les clauses d'exclusion statutaires et leurs modalités d'adoption et de modification telles que prévues par le code de commerce ne portent pas d'atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti constitutionnellement. Pour affirmer cela, le Conseil constitutionnel considère que :

 

1)    l'objet des dispositions légales en cause est exclusivement de permettre à une SAS d'exclure un associé et non de le priver de sa propriété : exclusion n'est pas expropriation !

 

2)    Les dispositions du code de commerce poursuivent un objectif d'intérêt général, à savoir : permettre à toute SAS de garantir la cohésion de son actionnariat et partant la poursuite de son activité. De plus, la clause statutaire d'exclusion pouvant être adoptée ou modifiée sans que l'unanimité des associés ne soit requise[8], toute situation de blocage pouvant résulter de l'associé potentiellement concerné par l'exclusion tend à être évitée. C'est bien pour cette raison que la loi Soilihi est applicable à compter de son entrée en vigueur à toutes les clauses statutaires d'exclusion ayant pu être adoptées antérieurement[9]. L'intérêt général se confond ici avec l'intérêt social.

 

 

Le Conseil constitutionnel va plus loin et rappelle le cadre nécessaire à la mise en œuvre des clauses d'exclusion statutaires pour éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété :


1)    selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation limitant toute mise en œuvre abusive de l'exclusion statutaire, les conditions et la procédure d'exclusion doivent être expressément définies par les statuts et suivies par les associés. Le conseil constitutionnel ajoute que les motifs d'exclusion doivent par ailleurs être limitativement énumérés dans les statuts (par exemple : la perte de qualité de mandataire social de l'associé, absences répétées aux assemblées générales etc.) et être conformes à l'intérêt social et à l'ordre public. Ce principe d'énumération limitative des motifs d'exclusion dans les statuts doit toutefois être nuancé. La Cour de cassation a en effet récemment jugé, concernant une société à capital variable, que les statuts de cette dernière peuvent se contenter de stipuler qu'un associé peut être exclu pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale extraordinaire. Partant, elle reconnaît qu'une clause d'exclusion statutaire peut ne pas énumérer les motifs d'exclusion et se contenter de se référer aux justes motifs. L'abus dans la mise en œuvre de la clause restera toutefois systématiquement sanctionné.

 

2)    Les actions de l'associé exclu doivent être rachetées par la société ou les autres associés moyennant un prix « juste » déterminé soit selon une méthode fixée par les statuts, soit par un accord entre les parties, soit par un expert désigné dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil.

 

3)    La décision d'exclusion ainsi que le prix de cession peuvent être contestés devant le juge par l'associé exclu.

 

Le régime légal et jurisprudentiel des clauses statutaires d'exclusion ayant pour effet d'obliger un associé à céder ses actions sous certaines conditions précisément définies par les statuts présente donc toutes les garanties requises par le droit constitutionnel et ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

 

Au vu de cette décision, il est fortement conseillé aux SAS dont les statuts prévoient une clause d'exclusion de veiller à ce que les conditions de validité susmentionnées soient bien remplies. Notre équipe d'avocats est bien entendu à votre disposition pour vous accompagner dans cette démarche.


[1] CC, 09/12/2022, n°2022-1029, QPC.

[2] Cass. Com., QPC, 12/10/2022, n°22-40013

[3] Articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

[4] Loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, dite Loi Soilihi

[5] Cass. Com., 23 octobre 2007, n°06-16537, Arts et entreprises ; Cass. Com., 9 février 1999, n°96-17661

[6] Article 1844, alinéa 4 du code civil

[7] Cass. Com., 21 avril 2022, n°21-10355

[8] Article L. 227-19, alinéa 2 du code de commerce

[9] Cass. Com., QPC, 12/10/2022, n°22-40013

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