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Droit à l'image : A-t-on le droit de prendre une photo de quelqu’un sans son autorisation ?

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(Cour de Cassation, 2 juin 2021)


Le « droit à l’image » des individus est un des composants du droit au respect de la vie privée, prévu à l’article 9 du Code civil de manière très générale et l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Son encadrement est presqu’exclusivement jurisprudentiel, au fur et à mesure des années, et notamment depuis l’apparition de l’Internet. 


Accessoirement, depuis l'entrée en vigueur du RGPD, on réalise que l'image d'une personne est aussi une donnée personnelle, particulièrement protégée.

 

Aujourd'hui, la publication de photos d'amis, de collègues, de groupes ou d'inconnus est monnaie courante en raison de l'Internet et des réseaux sociaux. Mais avant la publication, il y a la captation de l'image et la question peut donc se poser : que l'on ait l'intention de publier ou pas, a-t-on seulement le droit de prendre quelqu'un en photo, sans son consentement ?

 

Par principe, les personnes peuvent s'opposer à la diffusion de leur image, peu important le support de diffusion (papier, numérique, mécanique…). A défaut de consentement, la diffusion de l'image peut constituer une atteinte à la vie privée, et donc entrainer une condamnation civile ou pénale.

 

Il existe des exceptions au consentement, fondées sur le droit à l'information de la presse, l'intérêt général de la société ou encore la liberté d'expression. Ces exceptions sont cependant appréciées strictement, en fonction de chaque situation. La jurisprudence, au fil des décisions les apprécient en fonction d'un équilibre délicat entre le respect de la vie privée et l'affirmation des autres libertés ou intérêts en présence. De nombreuses situations particulières existent donc, où le consentement préalable de la personne à la diffusion de son image n'est pas requis.

 

Ainsi, le droit à l'image (et à la vie privée) des personnalités publiques n'est pas aussi fort que celui du commun des mortels. Au sein même de cette catégorie des personnalités publiques, la jurisprudence distingue entre celles qui jouent volontiers de leur image, en affichant, par magazines ou réseaux sociaux interposés, leur vie privée en dehors tout contexte professionnel et celles qui préservent réellement leur vie privée.

 

Autre nuance, le droit à l'image n'aura pas la même portée selon que la photographie a été prise dans un lieu privé ou public, et selon que la personne photographiée est l'objet principal de la photo ou est dans une foule. De fait, en France, la diffusion de photographies prises dans un lieu public n'est pas en soi interdite, notamment lorsque les personnes représentées sont des passants ou une foule apparaissant naturellement sur l'image. Le consentement de ces individus n'est pas nécessaire. En revanche, si l'une des personnes est individualisable et constitue le sujet principal de la photo, il faudra nécessairement son consentement, écrit ou oral, exprès ou implicite, pour toute diffusion. Dans ces hypothèses de captation « publiques », l'un des principaux critères pour évaluer l'existence d'une atteinte au droit à l'image est l'existence, ou non, d'un préjudice causé à la vie privée (et non publique) de la personne du fait de cette diffusion.

 

D'autres exceptions au consentement existent bien sûr, au titre de la liberté de la presse, ou des rapports employeur/salariés, ou des interventions publiques des forces de l'ordre, etc. Elles font toutes l'objet de réglementations spécifiques ou d'interprétations jurisprudentielles rigoureuses, afin de protéger les intérêts en cause.

 

La frontière entre vie privée et vie publique est cependant poreuse, et évolue en fonction des époques et des territoires.

 

Aujourd'hui, le problème de l'atteinte à l'image est particulièrement sensible : réseaux sociaux oblige, la diffusion de photographies de personnes, prises en privé ou en public, connaît une explosion quelque peu incontrôlée, la question du consentement de la personne photographiée étant souvent négligée. Dès lors, de nombreux litiges naissent de publications maladroites sans autorisation, notamment sur les réseaux sociaux ou sur des banques d'images sur Internet. Ces litiges concernent notamment l'image (ou la vidéo) de salariés, de consommateurs, d'internautes, et posent donc des problèmes aux entreprises actrices ou utilisatrices de l'Internet.

 

Point commun en matière d'atteinte à l'image, les contentieux sont toujours liés au degré de préjudice causé par la PUBLICATION de l'image, presque jamais à sa seule captation, acte qui, en soi, ne semble pas vraiment répréhensible, en général.

 

Ces problématiques de publication, avec ou sans consentement, requièrent une grande prudence juridique. Mais en amont, la question du droit à la seule captation de l'image se pose de plus en plus souvent. Au-delà des questions de politesse et de morale, qui font qu'il n'est pas très délicat de photographier quelqu'un sans avoir recueilli son assentiment, a-t-on le droit de simplement capter (photographier ou filmer) l'image d'une personne sans son consentement, dans la rue ou dans un lieu public ou privé, quelle que soit l'intention de publication ultérieure ? Et peut-on obtenir réparation en cas de captation sans consentement ?

 

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 2 juin 2021, est venue préciser et étendre le champ d'application de ce droit à l'image, en matière de captation.

 

En l'espèce, en juillet 2015, un acteur américain célèbre avait été pris en photo sur une plage, en vacances, à son insu. L'un des clichés a été publié dans un magazine et l'agence de presse envisageait de les commercialiser auprès d'autres médias. L'acteur décide alors d'assigner le magazine et l'agence de presse responsable des clichés pour atteinte à sa vie privée en réclamant, sur le fondement de l'article 9 du Code civil ainsi que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), l'interdiction de commercialiser les clichés litigieux, et en demandant réparation au titre du préjudice moral au titre de la publication contestée.


Les photos ayant ultérieurement fait l'objet d'une commercialisation auprès de sites Internet tiers, qui les publièrent, l'acteur réclamait également réparation, non seulement au titre de ces publications, mais également au titre de la simple captation de ces clichés, indépendamment de toute publication.

 

La Cour d'appel de Paris a, dans son arrêt du 29 janvier 2020, rejeté les demandes de l'acteur, estimant curieusement que ce dernier ne rapportait pas la preuve que les photos prises aient fait l'objet ou devaient faire l'objet d'une diffusion publique ou d'une commercialisation attentatoires à sa vie privée.

 

Telle ne sera pas la position de la Cour de cassation, qui casse l'arrêt d'appel pour violation de l'article 9 du Code civil et de l'article 8 de la CEDH, au motif « qu'il ressort de ces textes que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation ».

 

De manière assez claire et presque inédite, la Haute cour semble donc affirmer le droit d'une personne au respect de sa vie privée dès le stade de la captation de son image. A défaut de consentement (sauf exceptions susvisées), cette seule captation peut donc constituer une atteinte à la vie privée et donner lieu à réparation.

 

Toutefois, cette affirmation est faite dans une affaire classique où les photos ont bel et bien fait l'objet d'une publication subséquente, ce qui peut influer sur la solution judiciaire. La solution aurait-elle été la même si ces photos privées n'avaient fait l'objet d'aucune publication et si le photographe n'avait pas eu d'intention de publier ? Autrement dit, hors les exceptions susvisées, la seule captation sans autorisation constitue-t-elle désormais systématiquement une atteinte à la vie privée de la personne, ouvrant droit à réparation ?

 

Cette décision s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, que la Cour de cassation cite d'ailleurs explicitement (CEDH 15 janv. 2009, Reklos et Davourlis c. Grèce, n° 1234/05). La Cour de Strasbourg avait affirmé que le droit à l'image d'un individu n'est pas cantonné à « sa seule possibilité d'empêcher une diffusion » et que c'est dès la captation de l'image d'un individu, sans son consentement, que ce droit peut être mis en exergue.

 

La Haute Juridiction française vient donc affirmer à son tour que la simple captation, non consentie à ce stade, suffit à elle seule à caractériser une atteinte au droit au respect de la vie privée d'une personne, ouvrant droit à réparation, et cela sans même qu'il soit nécessaire d'établir un quelconque préjudice. Une atteinte au droit à l'image peut donc être constituée non plus uniquement a posteriori en cas de diffusion, mais bien à priori, c'est-à-dire dès la simple captation du cliché.

 

L'apport de cet arrêt n'est pas sans conséquence puisqu'il consolide l'affirmation du droit à l'image dès la captation. De nombreuses situations sont donc susceptibles d'être concernées au quotidien, où des gens sont pris en photo sans leur accord, souvent sans même qu'ils sachent l'usage qui en sera fait, mais sans qu'ils osent réellement réagir immédiatement, faute de diffusion publique à ce stade.

 

Etendre le champ d'application de ce droit peut paraître louable puisque cette solution vient garantir l'effectivité du droit au respect de sa vie privée. Dès lors que de nombreuses exceptions, largement encadrées, permettent de prendre et d'exploiter une photographie sans le consentement de la personne, l'affirmation, en contrepartie, d'un droit à l'image dès la captation, crée un nouvel équilibre intéressant entre la protection de la vie privée, ici renforcée, et les autres libertés fondamentales.

 

Toutefois, en pratique, dans un monde où la captation d'image est reine et facilitée par des matériels numériques discrets, et où le moyen de s'opposer efficacement à la prise de vue dès la captation est parfois illusoire, cette solution risque trouver des limites.

 

En tout état de cause, la captation illicite permet bien de demander réparation et il était utile que la Cour de Cassation le rappelle plus clairement.


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