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La majorité gouverne bien toutes les décisions de la SAS

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publié le 31/12/2024 - temps de lecture: env. 4 minutes


Dans un arrêt rendu le 15 novembre 2024 (n° 23-16.670), La Cour de cassation a précisé les modalités que les SAS peuvent définir dans leurs statuts pour adopter des décisions collectives. 


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Sauf exceptions légales[1], toute liberté est en effet laissée aux statuts des SAS pour déterminer les « formes et conditions » des décisions collectives des associés, qu'il s'agisse de celles définies comme telles par les statuts (article L. 227-9, alinéa 1er, du code de commerce) ou celles découlant de l'application de la loi (article L. 227-9, alinéa 2, du code de commerce). Ainsi, les statuts d'une SAS peuvent prévoir des conditions de quorum et de majorité particulières, pouvant être différentes en fonction de la nature des décisions collectives.


1. Une première affirmation de l'exception jurisprudentielle par la Cour de cassation

En l'espèce, l'article 17 des statuts d'une SAS prévoyait que les décisions collectives étaient adoptées à la « majorité » du tiers des droits de vote. Sur cette base, une augmentation de capital avait été décidée en 2015 par 46 % des voix pour et 54 % contre.


Lors d'une première tentative d'annulation, la Cour de cassation a censuré l'arrêt de rejet de la cour d'appel de Paris, considérant que les décisions que les associés d'une SAS doivent prendre collectivement ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur « à la majorité simple des votes exprimés » (premier arrêt en date du 19 janvier 2022 (19-12.696 FS-D).


Ce principe visait à garantir une cohérence dans les décisions prises collectivement, en évitant que des résolutions ne puissent être adoptées par une minorité. L'affaire a donc été renvoyée en 2023 (pour être à nouveau statué au fond) mais la Cour d'appel n'a pas suivi la solution de la chambre commerciale.


2. La résistance des juges du fond : la thèse libérale

La cour d'appel de Paris, le 4 avril 2023 (no 22/05320), a énoncé qu'il « résulte de l'article L. 227-9 du code de commerce que les associés d'une SAS sont libres de déterminer, dans les statuts, non pas – en l'absence de dispositions expresses – une règle de majorité exigée pour adopter des résolutions dans les matières qu'il énumère, mais les conditions dans lesquelles sont prises les décisions qui doivent l'être collectivement, que ce soit dans les matières définies par les statuts ou visées par son alinéa 2. ».


Elle a donc choisi une interprétation littérale en faisant primer la liberté laissée par le législateur dans la détermination des règles d'adoption des décisions collectives des SAS. C'est une thèse qualifiée de « libérale »[2] selon laquelle l'article L. 227-9 accorde aux associés toute liberté pour fixer les formes et conditions des décisions collectives.


A l'appui de cette thèse on peut noter que le législateur ayant adopté la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994, créant la SAS, a écarté du projet de loi le principe selon lequel certaines décisions devaient être prises en assemblée par les associés statuant à « une majorité qui ne peut être inférieure à la majorité absolue des voix exprimées ». Comme le souligne l'Avocat Général M. Lecaroz, si le législateur avait voulu limiter la liberté contractuelle des associés, il l'aurait fait expressément comme en matière de financement participatif ou d'opérations transfrontalières.


Cette situation a donc justifié le renvoi devant l'Assemblée plénière de la Cour de Cassation. Un tel renvoi peut en effet être ordonné lorsqu'une affaire pose une question de principe et doit l'être lorsque, après cassation d'un premier arrêt, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens (Article L. 431-6 du Code de l'organisation judiciaire).


3. La réitération de l'analyse de la Cour de cassation : la thèse restrictive

La Cour de cassation devait se prononcer, en Assemblée plénière, sur la possibilité pour les statuts d'une SAS de prévoir la prise de décisions collectives par une minorité des voix exprimées.


A noter qu'une nouvelle question s'était également posée après l'arrêt du 19 janvier 2022 : l'exigence d'une majorité pour l'adoption d'une décision collective des associés de SAS s'applique-t-elle uniquement aux décisions collectives visées par l'article L. 227-9, alinéa 2 du code de commerce ?


Ainsi, l'Assemblée plénière répond aux deux questions dans son arrêt du 15 novembre 2024 que :

  • ​[…] 10. Une décision collective d'associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix.
  • 11. Toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d'un même scrutin, deux décisions contraires.
  • 12. La liberté contractuelle qui régit la société par actions simplifiée ne peut s'exercer que dans le respect de la règle énoncée au paragraphe 10.
  • 13. Il s'en déduit que la décision collective d'associés d'une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite. […] 

La Cour de cassation adopte une thèse qualifiée de « restrictive »[3] selon laquelle retenir un seuil d'approbation inférieur à la majorité des voix serait susceptible d'aboutir à des décisions qui pourraient être contradictoires.


Ainsi, la décision collective d'associés d'une société par actions simplifiée, prévue par les statuts (article L. 227-9 alinéa 1) ou imposée par la loi (article L. 227-9 alinéa 2), ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées.


Par conséquent, toute clause des statuts contraire à ce principe est réputée non écrite.

A noter que l'arrêt répond à une autre ambiguïté : les statuts d'une SAS peuvent bien prévoir une règle de majorité calculée sur les droits de vote présents/représentés ou sur tous les votes existants dans la société (les votes « pour » doivent alors excéder le total des votes « contre », des abstentions, des votes blancs et nuls et des droits de vote des absents).

Une décision cohérente et de bon sens.


[1] Articles L. 227-2-1, L. 236-38, L. 236-46 et L. 236-50

[2] Avis de M. Lecaroz, Avocat Général p.5

[3] Avis de M. Lecaroz, Avocat Général p.5

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Laurence Cuillier

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