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L'information précontractuelle dans les contrats de franchise en droit français

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​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​publié le 06/09/2024 - temps de lecture: env. 8 minutes


L'article L. 330-3 du Code de commerce prévoit, sous certaines conditions, une obligation d'information spécifique pouvant être mise à la charge du franchiseur afin de permettre au franchisé de s'engager en connaissance de cause. Cette obligation donne lieu en pratique à la fourniture par le franchiseur au candidat à la franchise, d'un document d'information précontractuelle, dit « DIP ».

 

Parfois incomplet ou rédigé avec peu de soin, la remise d’un DIP comportant des informations exactes, complètes, vérifiables et récentes est pourtant essentielle pour limiter les demandes de nullité du contrat de franchise pour vice du consentement, lesquelles sont toujours très vives à l’occasion d’un contentieux opposant un franchisé à son franchiseur.
 
Le présent article espère contribuer à rappeler aux franchiseurs et futurs franchiseurs les règles et bonnes pratiques en la matière, dont nous observons qu’elles sont hélas encore trop peu suivies.

1. Qui est tenu de fournir un DIP ?

L’article L. 330-3, 1er alinéa, du Code de commerce prévoit que « toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. »
 
L’obligation de fournir un DIP suppose donc deux conditions :
  • la mise à disposition d’un nom commercial, d’une marque ou d’une enseigne : il peut s’agir, par exemple, d’une licence de marque au profit du franchisé ;
  • et un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité exigée du distributeur pour l’exercice de son activité : seul est requis par ce texte l’engagement d’exclusivité imposée au distributeur, tel qu’une exclusivité d’approvisionnement, une exclusivité d’activité ou encore une exclusivité de concurrence du franchisé. En revanche, cette condition n’est pas remplie en présence uniquement d’exclusivité territoriale, laquelle est stipulée au profit du distributeur et dont ce dernier n’est pas débiteur.
     
    Cette condition doit s’apprécier au regard du contrat proposé et non au regard de l'activité globale du distributeur (en ce sens, Cass. com., 19 janv. 2010, n° 09-10.980).
Le champ d’application de cet article est donc particulièrement large, l’obligation de remise d’un DIP étant susceptible de s’appliquer non seulement au contrat de franchise, qui est son terrain d’élection, mais également à d’autres contrats de distribution tels que le contrat de licence de marque, le contrat de concession commerciale ou encore le contrat de commission-affiliation. L’article L. 330-3 du Code de commerce ne prévoyant aucune exception, il conviendra également d’envisager la remise d’un DIP à un intermédiaire de commerce, tel qu’un agent commercial, dès lors que les deux conditions précitées seraient remplies. 

2. Quand le DIP doit-il être remis ?​​

Aux termes de l’article L. 330-3 précité du Code de commerce, le DIP ainsi que le projet de contrat proposé, doivent être communiqués 20 jours minimum avant la signature du contrat.
 
Le DIP étant, selon cet article, requis « avant la signature de tout contrat », la jurisprudence impose qu’il soit également fourni au candidat au renouvellement du contrat de franchise, fût-il la reproduction du contrat initial par tacite reconduction (en ce sens, pour un exemple récent, CA Douai, 19 mai 2022, n° 20/02801).
 
Le DIP devra également être fourni « lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone » (article L. 330-3 du Code de commerce).

3. Quelles informations le DIP doit-il contenir ?

​Les dispositions générales de l’article L. 330-3 du Code de commerce prévoient que le DIP « dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. »
 
Les informations devant être communiquées par la tête de réseau dans le DIP sont précisément listées à l’article R. 330-1 du Code de commerce, auquel le lecteur est invité à se reporter.
 
Ces informations sont réparties à travers les six catégories suivantes :
  • les informations relatives à la tête de réseau ;
  • les informations relatives à la marque concédée ;
  • les informations bancaires de la tête de réseau ;
  • les informations relatives à l’évolution de la tête de réseau et du réseau lui-même ;
  • une présentation du réseau d'exploitants
  • l'indication de certaines conditions du contrat proposé, que le législateur a souhaité spécifiquement porté à la connaissance du candidat franchisé, à savoir la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession ainsi que le champ des exclusivités.
S’agissant des informations relatives à l’évolution de la tête de réseau et du réseau lui-même, on précisera que celles-ci doivent être complétées par (i) les comptes annuels des deux derniers exercices de la tête de réseau ainsi que par (ii) une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
 
L’état général de marché et l’état local de marché doivent contenir des informations brutes et objectives sur l’offre et la demande. Ils ne doivent pas être confondus avec l’étude de marché (comportant une analyse de l’offre et de la demande) que le franchiseur n’a nullement l’obligation de fournir et qui relève de la responsabilité du franchisé, commerçant indépendant, qui doit la réaliser pour évaluer le potentiel de rentabilité économique de son projet.
 
A ce propos, le franchiseur n’est pas davantage tenu de communiquer un compte prévisionnel d’exploitation au candidat franchisé et une telle communication n’est d’ailleurs pas recommandée en ce que la transmission de chiffres d’affaires prévisionnels trop optimistes par le franchiseur pourrait être de nature à induire le franchisé en erreur sur la rentabilité de son point de vente et entraîner en conséquence la nullité du contrat de franchise.
 
Si de telles informations, non obligatoires, étaient toutefois communiquées par le franchiseur, celui-ci devra veiller à ce que celles-ci soient sérieuses et sincères, et qu’elles ne soient pas susceptibles de vicier le consentement du franchisé.

4. Quelles autres informations un franchiseur peut-il être tenu de communiquer ?​

Aux termes du premier alinéa de l’article 1112-1 du Code civil, issu de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
 
Cet article précise qu’ « ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. »
 
La jurisprudence admet régulièrement le cumul de ce texte de droit commun avec le texte spécial de l’article R. 330-1 du Code de commerce, ce qui entraîne l’obligation pour le franchiseur de délivrer au candidat franchisé des informations déterminantes pour le consentement de ce dernier, même si celles ne figurent pas dans la liste de l’article R. 330-1 du Code de commerce.
 
A titre d’exemple récent, la Cour de Paris a prononcé, dans un arrêt du 27 mars 2024, la nullité pour dol d’un contrat de franchise, après avoir rappelé les dispositions de l’article 1112-1 du Code civil, en jugeant que « la réticence dolosive de la société Body Concepts a induit en erreur la société Smart Relax sur la rentabilité que l'exploitation du concept "Smart Body" pouvait dégager. Cette réticence, qui portait sur la substance du contrat de franchise dans lequel l'espérance de gain est décisive, a été déterminante du consentement de la société Smart Relax qui ne se serait pas engagée ou aurait contracté à des conditions substantielles différentes, si elle avait connu les difficultés financières des sociétés exploitant le concept voisin "Point Soleil" donné en exemple et les procédures collectives en cours les concernant. » (CA Paris, 27 mars 2024, n° 22/12665).

5. Quels sont les risques liés au non-respect de l’obligation de remise d’un DIP ?​

S’agissant des sanctions pénales, en vertu de l'article R. 330-2 du Code de commerce, le fait de ne pas communiquer le DIP et le projet de contrat requis, 20 jours au moins avant la signature du contrat, est puni des peines d'amende prévues par le 5° de l'article 131-13 du Code pénal pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1.500 euros.
 
S’agissant des sanctions civiles, l’absence de fourniture d’un DIP dans le délai précité ou la fourniture d’un DIP non sincère, est susceptible d’entraîner la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement. Cette violation de l’article L. 330-1 du Code de commerce n’emporte cependant pas, par elle-même, nullité du contrat, les franchisés étant tenus de qualifier et caractériser le vice du consentement en découlant.
 
Dans un arrêt récent en date du 21 février 2024, la Cour d’appel de Paris a prononcé la nullité d’un contrat de franchise en raison du non-respect du délai de 20 jours pour la remise du DIP, au motif que « la concomitance de la signature du contrat et de la remise du DIP les a induits [les représentants du franchisé] en erreur sur l'appréciation du coût de leur engagement […]. Ils n'ont ainsi pu mesurer la portée et l'utilité de leur engagement et la faisabilité concrète du projet objet du contrat. Ces éléments étant déterminants du consentement des parties, le vice est caractérisé et fonde la nullité du contrat. » (CA Paris, 21 février 2024, n° 22/12529).
 
Pour mémoire, conformément à l’article 1178 du Code civil, la nullité emporte anéantissement rétroactif du contrat et les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se seraient trouvées si le contrat n'avait pas été conclu. La nullité entraîne en conséquence des restitutions de part et d'autre entre le franchiseur et le franchisé, et pour ce qui concerne le franchiseur, la restitution des sommes versées par le franchisé (notamment le droit d’entrée, les redevances payées par le franchisé ou encore de la participation à la publicité).
 
Les conséquences d’une nullité d’un contrat de franchise, faisant potentiellement peser un risque de nullité sur les autres contrats conclus par le franchiseur sur la base d’un même DIP non conforme, peuvent ainsi être terribles pour le réseau qui n’existe finalement qu’à travers les contrats liant la tête de réseau à ses membres.


6. En conclusion, quelles bonnes pratiques le franchiseur doit-il suivre concernant la fourniture d’un DIP ?

Pour garantir la validité de son réseau de franchise, le franchiseur devra donc notamment veiller à fournir un DIP sincère, comportant des informations complètes (celles de l’article R. 330-1 du Code de commerce mais également celles déterminantes pour le consentement du candidat franchisé en application de l’article 1112-1 du Code civil), exactes et à jour.

Les bonnes pratiques suivantes pourront, à cette fin, être mises en œuvre par le franchiseur :
  • se faire assister par un conseil spécialisé en droit de la distribution pour la rédaction du DIP : celui-ci doit être rédigé avec le plus grand soin, comporter des déclarations du candidat franchisé (par exemple sur l’absence de clause de non-concurrence qui l’empêcherait de signer ultérieurement le contrat de franchise) ainsi qu’un engagement de confidentialité de sa part sur les informations confidentielles intéressant le réseau, dont il aurait connaissance pendant la phase précontractuelle. Ces premières précautions permettront d’agir plus efficacement contre un candidat indélicat qui engagerait le processus d’adhésion au réseau de franchise aux seules fins d’obtenir des informations utiles à la création d’une entreprise concurrente ;
  • recourir à des agences spécialisées pour l’établissement des états de marché : celles-ci disposent en effet d’outils statistiques permettant de fournir une information complète de l’état du marché, ce que ne permet pas une réalisation manuelle ;
  • inciter le candidat franchisé à demander toute information qu’il considère utile à la perfection de son consentement : cela permet d’éviter tout comportement opportuniste d’un franchisé qui invoquerait, seulement à l’occasion d’un contentieux, un vice du consentement ;
  • mettre en place un processus d’actualisation régulière du DIP, dans la mesure où (i) une information incomplète ou non récente peut être considérée comme non sincère et (ii) la remise d’un DIP est requise même à l’occasion d’un renouvellement, même tacite, du contrat ;​
  • faire signer électroniquement ses DIP : non seulement pour éviter la lourdeur liée au stockage du DIP en format papier et à la signature et aux paraphes manuscrites de chaque page du DIP, mais également parce que les plateformes de signature électronique permettent de préserver la preuve du contenu du DIP (un seul exemplaire original) et sa date, par l’horodatage de la signature.

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