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Les sanctions économiques internationales : un environnement réglementaire complexe, nécessitant des analyses de risques spécifiques

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En réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022, de nombreuses sanctions économiques internationales ont été adoptées par l'Union européenne ainsi que plusieurs pays (comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore le Canada).  


L'Union européenne a, à cet égard, adopté le 25 février 2023 un dixième paquet de sanctions à l'encontre de la Russie.


Au-delà des sanctions contre la Russie, de nombreux pays font l'objet de programmes de sanctions et embargos. Ces sanctions peuvent prendre de nombreuses formes, concerner un large champ de biens et services, d'entités (personnes physiques et personnes morales) et, étant propres à chaque pays ou organisation internationale (ONU, Union européenne,…), se combiner entre elles.


Aux programmes de sanctions et embargos s'ajoutent les règles applicables en matière de contrôle des exportations, pour les matériels de guerre et les biens « à double usage », c'est-à-dire susceptibles d'avoir une utilisation tant civile que militaire.


Il existe également des mesures thématiques adoptées par l'Union européenne (terrorisme, cyberattaques, droits de l'homme) qui rendent encore plus complexe l'analyse de risques requise avant toute décision concernant la signature d'un contrat international ou d'une implantation locale.


Intrinsèquement liées aux fluctuations géopolitiques, ces sanctions sont caractérisées par une évolutivité et une complexité requérant l'intervention de juristes ou avocats formés à leur spécificité. L'exemple des sanctions prises contre la Russie illustre la nécessité pour les entreprises de bien maîtriser le sujet des sanctions économiques internationales.

 

1.     Qu'est-ce que la matière dite des « sanctions et embargos » ?

L'expression « sanctions et embargos » recouvre l'intégralité des mesures restrictives prises par un pays ou une organisation internationale contre un pays ou des personnes physiques et morales. Elles prennent principalement la forme :

  • de sanctions commerciales (interdiction d'importation et/ou d'exportation de biens ou de fourniture de services qui est aussi connue sous le nom d'embargo, interdiction de participer à des appels d'offres ou des marchés publics du pays ou de l'entité émettant les sanctions),
  • de sanctions financières (restrictions des flux de capitaux, gels des avoirs d'Etats, d'entreprises ou de citoyens,…), et
  • de restrictions de circulation (rupture des relations aériennes, interdiction de pénétrer sur un territoire,…).

Il existe également d'autres mesures spécifiques (ex interdiction de diffusion de certains médias sur le territoire du pays ou de l'entité émettant les sanctions, interdiction de participer à des compétitions sportives internationales).


2.    Application territoriale ou extraterritoriale des sanctions ?

D'une manière générale, les lois prévoyant des sanctions économiques s'appliqueront aux ressortissants de l'Etat ayant adopté la loi (ou aux ressortissants des Etats-membres de l'institution ayant adopté la loi, comme l'ONU ou l'Union européenne) ou en relation avec des faits commis sur son territoire.

Ce principe connaît toutefois des limites.


D'un point de vue pratique d'une part, les groupes ayant des activités ou des filiales dans plusieurs pays, ou des dirigeants de plusieurs nationalités, peuvent se trouver contraints d'appliquer différents régimes de sanctions, en fonction de la nationalité de la filiale ou du dirigeant impliqué dans la transaction, et du pays tiers concerné par la transaction. A titre d'exemple, Cuba fait l'objet de sanctions de la part des Etats-Unis, mais pas de l'Union européenne. De la même façon, les sanctions américaines à l'encontre du Venezuela et de l'Iran sont plus étendues et plus sévères que les sanctions prises contre ces pays par l'Union européenne. A l'inverse, l'Union européenne a adopté des sanctions contre la Moldavie, mais pas les Etats-Unis.


D'un point de vue juridique d'autre part, certaines lois américaines peuvent connaître une application extraterritoriale, sur des fondements juridiques plus ou moins solides.


Ainsi, l'utilisation du dollar, ou l'envoi d'un mail transitant par un serveur américain, lors d'une transaction impliquant une société de l'Union européenne avec un pays sous sanctions américaines, peut faire craindre l'application du droit américain.


Cette crainte est fondée en partie sur l'approche « agressive » du Ministère de la justice américain (DoJ), conduisant à des poursuites pénales contre des entreprises non-américaines. Ces poursuites sont parfois soldées par des transactions dans lesquelles la compétence du droit américain est accepté par le défendeur, mais non démontrée juridiquement sur la seule base de l'utilisation du dollar par une entreprise non-américaine[1]. 


En outre, certaines sanctions américaines prévoient expressément une application extraterritoriale, en l'absence de tout rattachement avec les Etats-Unis : ce sont les sanctions secondaires. C'est le cas des sanctions américaines visant l'Iran et la Russie. Ne pas respecter ces sanctions (qui connaissent des exceptions et autorisent certaines activités économiques, comme la fourniture de produits alimentaires et de médicaments) est susceptible d'entraîner pour les entreprises non-américaines concernées l'impossibilité d'accéder au marché américain.


L'Union européenne n'a pas su jusqu'à maintenant trouver la parade à cette extra-territorialité du droit américain. Il existe certes le Règlement (CE) 2271/96 du 22 novembre 1996 (la « Loi de blocage européenne ») qui interdit aux entreprises, sauf exception, de se conformer aux sanctions extraterritoriales américaines[2]. Cependant, la loi de blocage a été interprétée de manière souple par la CJUE. Cette dernière considère[3] qu'une entreprise européenne peut résilier sans motivation des contrats conclus avec une personne sanctionnée par les Etats-Unis si elle peut prouver que sa résiliation ne visait pas à se conformer à la législation étrangère. Toutefois, en cas de contentieux, un contrôle de proportionnalité devra être effectué par la juridiction nationale, l'annulation de la résiliation ne devant pas entraîner des « effets disproportionnés » pour l'entreprise européenne. Or, La CJUE ne donne pas d'indicateurs ou de critères permettant d'effectuer ce contrôle ni les conclusions à en tirer.


En pratique, le risque de poursuites américaines, et les coûts de procédure associés, doit conduire l'entreprise concernée à plus grande prudence dans ses transactions avec un pays sous sanctions américaines, en veillant à n'impliquer dans la transaction aucune filiale ni salarié américain ou détenteur d'une « carte verte », et n'utiliser, dans la mesure du possible, ni dollar ni service de messagerie utilisant un serveur américain (au moins pour l'envoi de courriels sur le sol américain).

 

3.    Qui est concerné ?

Quelle que soit la forme de votre entreprise (siège, filiale française de groupe étranger, succursale), à partir du moment où vous proposez des biens ou services à l'importation, à l'exportation, à la commercialisation ou distribuez vos produits à l'étranger, les sanctions économiques internationales vous concernent directement.

L'exemple des sanctions contre la Russie en réponse à l'invasion de l'Ukraine ont démontré que de nombreux secteurs d'activité étaient touchés : industrie, luxe, transports, énergie, etc.


Un point particulier d'attention doit être porté aux industries fabriquant ou exportant des biens à double usage, c'est-à-dire des biens sensibles qui sont dans la plupart des cas destinés à des applications civiles, mais qui peuvent être utilisés à des fins militaires (conventionnelles ou armes de destruction massive).

 

4.    Quelles conséquences ?

En France, le non-respect des sanctions économiques décidées par l'Union européenne est sanctionné par l'article 459 1 bis du Code des douanes qui prévoit une peine d'emprisonnement de 5 ans ainsi qu'une amende égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction.


Les conséquences d'une violation des programmes de sanctions peuvent être considérables ; dès lors, des analyses de risque spécifiques et bien documentées doivent permettre aux entreprises de mesurer ces risques et le cas échéant de prendre des mesures appropriées pour les cantonner.

 

5.    La mise en place d'un programme de conformité « sanctions-embargos »

Compte tenu des risques encourus, il est fortement recommandé aux entreprises opérant à l'international dans des pays susceptibles de faire l'objet de sanctions et embargos internationaux de mettre en place un programme de conformité « sanctions-embargos » fondé sur :

  • Une politique groupe listant les pays dans lesquels la société et ses filiales internationales décident de ne pas opérer (« liste noire ») ou d'opérer en respectant des mesures de vigilance particulières (« liste rouge »), avec un processus de prise de décision définissant bien les rôles et les responsabilités des acteurs internes et les due diligences jugées nécessaires avant prise de décision ;
  • Une cartographie des risques régulièrement mise à jour en fonction des évolutions des programmes de sanctions et embargos et de leurs activités internationales ;
  • Un dispositif de vérification systématique des contreparties (ex. clients, intermédiaires) impliquées dans les opérations vers des pays à risque ;
  • Un dispositif de formation à destination des collaborateurs concernés.

Notre équipe « Compliance » est à votre disposition pour toute question.

 

[1] Voir à ce sujet l'article très complet d'Emmanuel Breen, « La compétence américaine fondée sur le dollar : réalité juridique ou construction politique ? » in Le Grand Continent, 2 septembre 2020.

[2] En 2018, la Commission a adopté le Règlement délégué (UE) 2018/1100, qui élargit le champ d'application de la Loi de blocage européenne pour y inclure les sanctions américaines contre l'Iran.

[3] Arrêt Bank Melli Iran contre Telekom Deutschland GmbH, 21 décembre 2021. 

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Hugues Boissel Dombreval

Avocat, Attorney-at-law

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